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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1994:G000293.19941221
Date de la décision : 21 Décembre 1994
Numéro de l’affaire : G 0002/93
Décision de saisin : T 0815/90
Numéro de la demande : 85904746.6
Classe de la CIB : C12N 7/08
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande :
Nom du demandeur : Les Etats-Unis d’Amérique
Nom de l’opposant :
Chambre : EBA
Sommaire : L’indication du numéro de dépôt d’une culture conformément à la règle 28(1)c) CBE ne peut être communiquée après l’expiration du délai fixé à la règle 28(2)a) CBE.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 R 28
Mot-clé : Exposé suffisamment clair et complet de l’invention
Indication du numéro de dépôt d’une culture
Exergue :

Décisions citées :
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0002/07
G 0001/08
J 0027/94
T 0815/90
T 0531/96
T 0227/97
T 0553/98
T 1153/00
T 1173/00
T 0782/03
T 0328/04
T 0083/05
T 0549/05
T 1380/05
T 1531/05
T 1408/06
T 0680/07
T 0862/11
T 2068/11
T 0419/12
T 1077/13
T 0361/14
T 1938/14

Exposé des faits et conclusions

I. Dans l’affaire J 8/87 (JO OEB 1989, 9), la chambre de recours juridique avait estimé qu’un demandeur qui n avait pas communiqué les indications concernant le dépôt d’une culture dans le délai de seize mois prévu par la règle 28(2)a) CBE devait pouvoir bénéficier d’un délai supplémentaire pour remédier à cette irrégularité, cette situation étant analogue à celle dans laquelle des documents de priorité n’ont pas été déposés dans le délai de seize mois prévu par la règle 38(3) CBE (dans le texte en vigueur jusqu’au 31 mai 1991), puisque dans les deux cas l irrégularité n existe qu une fois le délai expiré. La chambre de recours juridique a donc estimé que, bien que l article 91 CBE ne fasse pas mention du délai prévu par la règle 28(2)a) CBE, une solution similaire devait être apportée dans les deux cas. Elle a fait observer par ailleurs que d’après les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB, partie A, chapitre IV, point 4.2, la section de dépôt devra avertir le demandeur lorsque les indications communiquées conformément à la règle 28(1) CBE sont incomplètes ou ne sont pas fournies dans le délai fixé.

II. Dans l’affaire T 815/90, la chambre de recours technique 3.3.2 compétente a estimé qu’elle avait à décider s il était possible ou non de remédier à une insuffisance de l exposé due à ce que le numéro de dépôt de la souche HM-175 du virus de l’hépatite A, pass. 20 non cloné, c’est-à-dire le numéro ATCC VR2093, n avait été indiqué que près de sept ans après la date de priorité de la demande de brevet européen en cause.

La chambre de recours technique 3.3.2 n’entendant pas faire sien le raisonnement suivi dans la décision J 8/87 de la chambre de recours juridique (cf. le point I ci-dessus), elle a rendu la décision intermédiaire T 815/90 (JO OEB 1994, 389) dans laquelle elle a soumis à la Grande Chambre de recours la question de droit suivante :

“L’indication du numéro de dépôt d’une culture conformément à la règle 28(1)c) CBE peut-elle être communiquée après l’expiration du délai fixé à la règle 28(2)a) CBE?”

III. Dans cette décision, la chambre de recours technique 3.3.2 a fait les commentaires suivants :

– A la place qu’elle occupe dans le contexte de la CBE, la règle 28 énonce certaines prescriptions qui doivent être observées afin de garantir un exposé suffisant de l’invention lorsque celle-ci comporte l’utilisation de matériel vivant, ce qui obéit au principe même de la Convention sur le brevet européen selon lequel une invention doit être décrite de telle façon qu’un homme du métier puisse l’exécuter.

– Il n’existe aucun moyen de remédier à une insuffisance de l’exposé de l’invention dans la demande telle que déposée, à la seule exception du délai de 16 mois fixé par la règle 28(2)a) CBE.

– La Chambre souscrit notamment au raisonnement détaillé sur la finalité de la règle 28 CBE développé dans la décision d’une division d’examen en date du 14 novembre 1989 (JO OEB 1990, 156) dans laquelle il est déclaré que la non-communication du numéro de dépôt de la culture dans le délai fixé par la règle 28(2)a) CBE constitue une irrégularité à laquelle il ne peut être remédié. Selon cette décision, vouloir méconnaître le caractère impératif de ce délai reviendrait à faire d’un exposé insuffisant une irrégularité à laquelle il peut être remédié, et passerait outre à la volonté du législateur et à la finalité de la règle 28 CBE, qui n’est pas une simple condition de forme, mais une disposition qui doit être interprétée à la lumière de l’article 83 CBE.

– Il ressort à l’évidence des travaux préparatoires que le délai de 16 mois fixé par la règle 28(2)a) CBE a été introduit pour garantir que les indications relatives au dépôt soient communiquées dans tous les cas avant que le public ne soit informé. Si donc une invention ne peut être exécutée par un homme du métier au sens de l’article 83 CBE qu’à l’aide de matériel vivant déposé auprès d’une autorité de dépôt habilitée, auquel est attribué un numéro de culture qui est le seul moyen de l’identifier, cette condition préalable pour que l’exposé de l’invention dans la demande de brevet soit considéré comme suffisant doit obligatoirement être remplie à la date du dépôt de la demande et ne saurait constituer une simple exigence de forme à laquelle doit satisfaire la demande de brevet européen.”

IV. Conformément à l’article 11 bis du règlement de procédure de la Grande Chambre de recours, le Président de l’OEB a fait parvenir à la Grande Chambre des observations qui peuvent être résumées comme suit :

– La non-communication du numéro de dépôt d’une culture avant la fin du seizième mois suivant la date de dépôt (de priorité) ne peut être considérée comme une irrégularité de forme à laquelle il convient d inviter le demandeur à remédier, une fois le délai expiré.

– Ce n est qu au stade de l examen quant au fond que pourront être tirées les conséquences juridiques de cette non- communication du numéro de dépôt de la culture à l expiration du délai de seize mois. Par conséquent, ce n est que si le micro-organisme qui a été déposé est réellement nécessaire pour l’exécution de l’invention qu il sera constaté que l exposé de l invention est insuffisant.

– Il découle de l article 123(2) CBE que les conditions requises à l article 83 CBE valent pour la demande telle que déposée. Si l’exposé de cette demande présente de graves insuffisances, il n’est pas possible par la suite sans aller à l’encontre dispositions de l’article 123 (2) CBE, de remédier à cette irrégularité en ajoutant des exemples ou des caractéristiques.

– Lorsqu une invention concernant un procédé microbiologique ou un produit obtenu par un tel procédé fait intervenir l’utilisation d’un micro-organisme auquel le public n’a pas accès et qui ne peut être décrit dans la demande de brevet européen de façon à permettre à un homme du métier d’exécuter l’invention, il doit être considéré que dès le départ les conditions requises par l’article 83 CBE ne peuvent être remplies.

– Sous réserve qu il soit satisfait à un certain nombre de conditions, la règle 28 CBE prévoit qu une invention peut être considérée comme exposée de façon suffisamment claire et complète, ou qu il peut être dérogé aux dispositions exigeant que l’invention soit exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète.

– La règle 28(2) CBE peut être considérée comme une autre dérogation aux conditions requises à l’article 83 CBE, du fait qu elle accorde un délai pour la communication d’un élément essentiel de l’exposé.

– S il a été prévu un délai pouvant aller jusqu à seize mois, mais non au-delà, c est pour que dans tous les cas le public puisse disposer de toutes les informations voulues à la date de la publication. Il n est pas acceptable d’étendre cette dérogation aux dispositions de l’article 83 et de l’article 123(2) CBE plus qu’il n’est nécessaire pour permettre cette information du public.

– Une double fiction juridique permet de considérer qu’un micro-organisme utilisé dans le cadre d’une invention fait partie de l’objet de la demande déposée initialement : un élément essentiel de l’exposé initial de l’invention (le micro- organisme) est considéré comme suffisamment exposé dans la demande, même si ce n’est pas le cas, à condition d une part qu’il ait effectivement été déposé (au plus tard à la date de dépôt de la demande) et, que d autre part il ait été satisfait à la condition de forme prévue à la règle 28(2) CBE (respect du délai fixé dans cette règle).

– L’indication du numéro de dépôt conformément à la règle 28(1)c) CBE ne peut donc être communiquée après l’expiration du délai fixé à la règle 28(2)a) CBE.

V. En réponse à une notification de la Grande Chambre de recours en date du 14 mars 1994, la partie requérante dans l’affaire T 815/90 a transmis le 29 mai 1994 ses observations au sujet de la question de droit soumise à la Grande Chambre. Une procédure orale s est tenue le 24 octobre 1994. Le requérant était représenté à cette occasion par M. D. C. Evans. Les arguments du requérant peuvent être résumés comme suit :

– Dans la pratique, le dépôt d’une culture dans une collection n est accepté que si le déposant a auparavant identifié cette culture. Lors du dépôt, la culture déposée n a pour numéro que la référence d identification donnée par le déposant. Le numéro de la collection est communiqué à une date ultérieure. Ce qui importe pour que l exposé de l invention puisse être considéré comme suffisant, c est que la culture ait été déposée conformément au Traité de Budapest (qu elle soit par conséquent à la disposition du public) et qu il en ait été donné une description pertinente dans le fascicule de la demande. L’appellation de la culture déposée n’a et ne peut avoir aucune influence sur le caractère suffisant ou non de l exposé de l invention dans le fascicule.

– La règle 28 CBE ne vise pas à imposer des obligations excessives à l’homme du métier. En l’espèce, l’homme du métier, ayant appris l existence de cette culture soit par l article qui avait été publié auparavant dans Immun. 32(2) 1981, soit par le fascicule du brevet, aurait demandé un échantillon de la culture à l’ATCC sur la base des informations dont il disposait à cette date. Il n avait pas besoin d indiquer le numéro de dépôt ATCC.

– L indication d un numéro ATCC dans un document ne sert en effet qu à prouver au public intéressé que la culture en question est authentique et a été acceptée par l’ATCC. Lorsque le numéro ATCC n’est pas indiqué, il suffit dans la pratique pour pouvoir identifier la culture que la personne intéressée connaisse le lieu de dépôt et dispose de certains éléments de description de la culture.

– Si le fascicule contient suffisamment d’indications permettant l’identification de la lignée cellulaire dans une collection, l’exposé de l’invention peut être de facto considéré comme suffisant, mais en vertu de la règle 28(1)c) CBE, pour qu’il puisse être jugé suffisant d’un point de vue juridique, un numéro de dépôt doit figurer dans le fascicule.

– Telle qu elle est exigée par la règle 28 CBE, l’indication du numéro officiel de la culture attribué par l’autorité de dépôt a un intérêt uniquement pratique. Elle ne constitue pas à cet égard un “objet nouveau” au sens de l’article 123(2) CBE, étant donné que, sans être une répétition, elle n ajoute rien aux informations techniques qui figuraient déjà au départ dans le fascicule. La non-communication du numéro de dépôt et, plus particulièrement, du numéro de dépôt “officiel” constitue simplement une irrégularité de forme du fascicule.

– Dans la pratique, l’OEB a considéré jusqu ici que l’absence du numéro de dépôt était une simple “irrégularité” à laquelle il pouvait et devait être apporté le remède applicable aux irrégularités, ce qui était là le point de vue du bon sens. La chambre de recours juridique a entériné cette pratique dans sa décision J 8/87, dans laquelle elle déclarait qu’en cas de non- communication du numéro de dépôt dans le délai imparti par la règle 28(2)a), le demandeur devrait avoir la possibilité de remédier à cette irrégularité, puisqu il ne s agissait que d une irrégularité. C’était là une interprétation correcte, qui tenait compte de la pratique actuelle en ce qui concerne le dépôt d’échantillons de culture auprès d’une autorité de dépôt.

– Le cas sur lequel a statué une division d’examen dans sa décision du 14 novembre 1989 (JO OEB 1990, 156), est analogue à celui dont il est question ici. Toutefois, dans la présente affaire la division d’examen n’a pas été amenée à prendre position sur le fond, si bien que les conclusions qu elle a tirées dans sa décision sont erronées.

– De toute évidence, l on peut conclure également de la pratique suivie en matière de dépôt de cultures que la non- communication du numéro de dépôt officiel attribué par l’autorité de dépôt constitue une simple irrégularité. A la date de la publication du fascicule, l’exposé de l’invention est suffisant, étant donné que la lignée cellulaire est disponible en vertu de la règle 11 du Traité de Budapest. Il convient par ailleurs de noter que lorsque c est la référence d identification donnée par le demandeur lui-même qui est utilisée, cette référence doit être considérée comme un numéro “officiel” au sens de la Convention, puisqu elle est exigée officiellement pour le dépôt initial du micro-organisme au moment du dépôt de la demande (voir le Traité de Budapest).

– L homme du métier ne pouvant avoir accès au fascicule avant sa publication, l’exposé de l’invention ne peut être insuffisant avant la date de publication du fascicule, si bien que la question de l’insuffisance de l exposé de l invention dans le fascicule ne peut se poser avant cette date de publication. Par conséquent, telle qu elle a été avancée par le Président de l’OEB, l’idée selon laquelle la règle 28 CBE créerait une fiction juridique permettant dans certains cas de considérer l exposé de l invention comme suffisant est une interprétation qui ne paraît pas concluante ( non sequitur”). Le droit de l’homme du métier à l’obtention d’un échantillon ne prend naissance qu à la date de la publication.

– C est aux demandeurs de choisir lequel des deux numéros de dépôt ils entendent utiliser dans le fascicule. Telle qu elle est formulée, la règle 28 CBE permet d’utiliser aussi bien l’un que l’autre. De plus, la substitution de l’un à l’autre est une modification admise conformément à l’article 123(2) CBE, et cette modification peut être apportée à tout moment avant l envoi de la notification prévue à la règle 51(4) CBE, c’est- à-dire même bien après l expiration du délai de seize mois à compter de la date de dépôt de la demande prévu par la règle 28(2)a) CBE.

– Il convient de noter que dans l’affaire T 39/88, il avait été déclaré qu’avant 1986 la situation n’était pas claire en ce qui concerne le dépôt des micro-organismes et qu’il paraissait injuste de reprocher le cas échéant au demandeur cette absence de clarté, qui tenait en fait au système de dépôt de l époque. La demande en cause ayant été déposée le 18 septembre 1985, donc avant la décision rendue dans l’affaire T 39/88, le requérant affirme qu’en raison de l’absence de clarté à l époque du système de dépôt des micro-organismes, il devrait être autorisé à substituer le numéro officiel de dépôt du HM- 175 non cloné au numéro de dépôt figurant dans la demande telle que déposée, du fait notamment qu il avait réellement déposé en temps utile un HM-175 non cloné auprès de l’ATCC.

– La question de droit que la chambre de recours technique 3.3.2 a soumise à la Grande Chambre de recours par sa décision intermédiaire T 815/90 (cf. point II ci-dessus) n est pas en relation directe avec la demande en cause, puisque le HM-175 non cloné avait été mis à la disposition du public avant la date de la première priorité revendiquée pour la demande en cause. Le requérant a cite à cet égard une déclaration sous serment de M. Adler ainsi que sa propre lettre du 16 novembre 1992 produites dans l’affaire T 815/90, qui prouvent que le HM- 175 était disponible auprès du NIH, sur demande et sans conditions, ce HM-175 non cloné ayant lui-même été divulgué dans le document “Infection and Immunity”, 32(1), avril 1981, pp. 388-393, qui faisait partie de l’état de la technique.

Motifs de la décision

Recevabilité et objet de la question soumise à la Grande Chambre

1. La question de droit soumise à la Grande Chambre de recours porte uniquement sur le délai fixé pour la communication des indications exigées par la règle 28(1)c) CBE et sur les conséquences du non-respect du délai fixé par la règle 28(2)a) CBE.

2. La Grande Chambre de recours n’a pas à répondre à la question de savoir si le micro-organisme avait déjà été rendu accessible au public, à la suite, par exemple, d’un dépôt effectué aux fins de la procédure nationale de délivrance du brevet US dont la demande a revendiqué la priorité, ou du fait d un autre dépôt, ce qui dispenserait le demandeur d’effectuer un dépôt conformément à la règle 28 CBE. En outre, elle n a à se prononcer ni sur l une des conditions requises aux fins de la procédure de délivrance d un brevet européen (dépôt à effectuer conformément à la règle 28 CBE ou au Traité de Budapest) (cf. communiqué de l OEB, JO OEB 1986, 269, notamment p. 271 et 272, points 7 et 8), ni sur les conditions requises pour la conversion d un dépôt effectué sous un régime autre que celui institué par la règle 28 CBE ou le Traité de Budapest en un dépôt effectué à ces fins (cf. JO OEB 1991, 461). Enfin, la question de droit soumise à la Grande Chambre de recours n a pas trait aux dépôts de divèrses souches de virus sous la même désignation-maison , évoqués aux points 4.3 à 4.5 de la décision de saisine. C est la chambre de recours qui a saisi la Grande Chambre qui traitera de ces points comme elle le jugera bon.

3. Dans sa décision intermédiaire T 815/90 (cf. point II ci- dessus), en particulier au point 4.6, la chambre de recours technique 3.3.2 a expliqué pourquoi, en l état actuel des choses, la question de droit soumise à la Grande Chambre de recours pourrait être déterminante pour la décision finale à rendre dans l’affaire T 815/90, et elle a indiqué qu elle n avait pas l’intention de faire sien le raisonnement suivi par la chambre de recours juridique dans la décision J 8/87 (cf. point I ci-dessus). Par conséquent, il est satisfait aux conditions requises pour que la Grande Chambre de recours puisse être saisie de cette question de droit, conformément à l article 112(1) a) CBE.

Relation existant entre l’article 83 et la règle 28 CBE

4. L’article 83 CBE dispose que dans une demande de brevet européen, “l’invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter”. Pour que les conditions requises par l’article 83 CBE soient remplies, une demande de brevet européen doit donc fournir suffisamment d’informations pour qu’un homme du métier, faisant appel à ses connaissances générales, puisse comprendre l’enseignement technique de l’invention revendiquée et le mettre en oeuvre.

5. Etant donné le caractère particulier des inventions qui portent sur un procédé microbiologique ou un produit obtenu par un tel procédé et qui font intervenir l’utilisation d’un micro- organisme auquel le public n’a pas accès et qui ne peut être décrit dans la demande de brevet européen de façon à permettre à un homme du métier d’exécuter l’invention, il a été prévu à la règle 28 CBE des dispositions qui visent à appliquer dans ce cas spécifique le principe général posé à l’article 83 CBE (cf. point 4 ci-dessus).

6. La règle 28(1) CBE prévoit que l invention n est considérée comme exposée que si:

a) une culture du micro-organisme a été déposée, au plus tard à la date de dépôt de la demande de brevet européen, auprès d’une autorité de dépôt habilitée;

b) la demande de brevet européen telle que déposée contient les informations pertinentes dont dispose le demandeur sur les caractéristiques du micro-organisme et

c) la demande de brevet européen comporte l’indication de l’autorité de dépôt et le numéro de dépôt de la culture.

7. En ce qui concerne le numéro de dépôt de la culture, il ressort clairement de la formulation de la règle 28(1)c) CBE qu il s agit du numéro de dépôt attribué au dépôt de la culture par l’autorité de dépôt et non pas de la référence d’identification donnée par le déposant. Ce “numéro de dépôt” correspond au “numéro d’ordre” attribué par l’autorité de dépôt conformément au Traité de Budapest (cf. règle 7.3v)) et à l’accord type (point 17(b)v) publié au JO OEB 1982, 454, 459).

8. Dans le cas des inventions visées par la règle 28(1) CBE, le dépôt d’une culture sert avant tout à compléter un exposé écrit qui serait sinon incomplet. Le dépôt de la culture constitue dans ce cas un élément essentiel de l’exposé.

9. La règle 28(1) CBE, qui fait référence à l’article 83 CBE, apporte des compléments et des précisions concrètes lorsqu il s agit d appliquer les conditions générales requises par l’article 83 CBE à un groupe particulier d’inventions dont il ne suffit pas de fournir une simple description écrite pour qu un homme du métier puisse les exécuter. Les conditions requises à la règle 28 CBE dépendent donc de celles qui ont été fixées à l’article 83 CBE. Dans le cas des inventions microbiologiques utilisant un matériel vivant qui n’est pas à la disposition du public et qui ne peut être reproduit sur la base de la description, la règle 28 définit un cadre sûr lorsqu’il s’agit de décider des indications qui doivent figurer dans la demande de brevet européen ainsi que des conditions dans lesquelles le public peut avoir accès à un dépôt de culture. Par conséquent, dans le cas des inventions visées par la règle 28(1) CBE, l’exposé doit satisfaire non seulement aux conditions requises par la dite règle, mais encore à celles exigées à l article 83 CBE.

10. Pour que l exposé de l invention puisse être considéré comme suffisant au sens de l article 83 CBE, l’objet revendiqué dans la demande de brevet européen doit pouvoir être clairement identifié. Cette condition doit être remplie dès la date de dépôt, car il n’est plus possible par la suite, sans enfreindre l article 123(2) CBE qui interdit d étendre l objet d une demande d un brevet européen au-delà du contenu de la demande telle que déposée, de remédier à cette irrégularité que constitue l identification insuffisante de l objet revendiqué dans la demande de brevet européen telle que déposée.

11. Pour qu une invention visée par la règle 28(1) CBE puisse être considérée comme suffisamment identifiée au sens de l’article 83 CBE, la culture du micro-organisme qui a été déposée, étant un élément essentiel de l’exposé (cf. point 8 ci-dessus), doit avoir été identifiée dans la demande de brevet telle que déposée. Si le numéro de dépôt (le numéro d’ordre) attribué au dépôt de la culture par l’autorité de dépôt n’est pas déjà indiqué dans la demande telle que déposée, le micro- organisme doit être identifié de manière à pouvoir être retrouvé sans confusion possible à l aide du numéro de dépôt (numéro d’ordre) qui aura été communiqué à une date ultérieure, et pour cela le déposant indique normalement la référence d identification (au sens de la règle 6.1 iv) du Traité de Budapest ou du point 12(a)iv) de l’accord type publié au JO OEB 1982, 454, 457) qu il a donnée au micro-organisme ainsi que le nom de l’autorité de dépôt. Le demandeur connaît cette référence à la date du dépôt (ou même avant), même si l’autorité de dépôt n’a pas encore attribué le numéro de dépôt (le numéro d’ordre) correspondant. Dans le récépissé que l’autorité de dépôt remet au déposant figurent à la fois la référence d’identification que le déposant a donnée au micro- organisme et le numéro d’ordre attribué par l’autorité de dépôt à la culture qui a été déposée (cf. règle 7.3iv) et v) du Traité de Budapest et les points 17(b)iv) et v) de l’accord type (JO cit., 459)).

Nature juridique du délai fixé par la règle 28(2)a) CBE

12. Pour que l’exposé d’une invention dans une demande de brevet européen puisse être considéré comme suffisant au sens de l’article 83 CBE, il doit en outre permettre à un homme du métier d’exécuter l’invention. Conformément à la règle 28 CBE, il est satisfait à cette condition si un dépôt de la culture a été rendu accessible au public. Le dépôt de la culture devient accessible au public si l’indication de l’autorité de dépôt et du numéro de dépôt (numéro d’ordre) de la culture figurent dans la demande de brevet européen (règle 28(1)c) CBE), car en vertu de la règle 28(2) CBE, “du fait de la communication de ces indications”, le demandeur est considéré comme consentant sans réserve et de manière irrévocable à mettre la culture déposée à la disposition du public, conformément aux dispositions de la règle 28 CBE. L indication de la référence d’identification donnée par le déposant au micro-organisme (cf. point 11 ci- dessus) ne saurait à elle seule produire un tel effet juridique.

13. L’indication dans la demande de brevet du numéro de dépôt (numéro d’ordre) du dépôt de la culture est donc une condition de fond, car dans la CBE, elle est indispensable pour que l’homme du métier puisse exécuter l’invention. C’est la raison pour laquelle la Grande Chambre de recours ne peut faire sien le raisonnement suivi dans la décision J 8/87 (cf. point I), dans laquelle la chambre avait estimé que le non-respect de la règle 28(2)a) CBE est assimilable au non-respect de la règle 38(3) CBE qui fixe les conditions requises pour la production des documents de priorité. La règle 28(2)a) CBE prévoit un délai raisonnable qui doit permettre de rendre le dépôt de la culture accessible au public dès que la demande de brevet européen correspondante est publiée. Le numéro de dépôt (numéro d ordre) doit être communiqué dans un délai de seize mois à compter de la date de dépôt ou, si une priorité est revendiquée, à compter de la date de priorité, conformément à la règle 28(2)a) CBE. Si ce délai n’est pas respecté, il n est pas satisfait aux conditions requises par les règles 28(1)c) et 28(2)a) CBE, et l on ne peut considérer que l’invention a été exposée conformément à la règle 28(1) CBE ensemble l’article 83 CBE. Peu importe à cet égard que dans certains cas le numéro de dépôt attribué au dépôt de la culture puisse en fait être publié dans une demande de brevet même s’il a été communiqué après l’expiration du délai de seize mois. Dans l intérêt de la sécurité juridique, la Convention a fixé un délai impératif de manière à ce que les indications requises soient fournies en temps utile, avant la publication de la demande de brevet.

Principe du respect de la bonne foi et de la protection de la confiance légitime

14. C est à la chambre de recours qui a saisi la Grande Chambre que revient le soin d’apprécier sur la base des moyens qui pourront lui être soumis si vu les prescriptions des Directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office européen des brevets , partie A, chapitre IV, point 4.2, vu également la pratique habituelle de l’Office fondée sur ces prescriptions ou les autres circonstances particulières de l’espèce, le requérant pouvait légitimement s attendre à la prorogation du délai fixé par la règle 28(2)a) CBE .

DISPOSITIF

Par ces motifs, la Grande Chambre de recours, en réponse à la question de droit qui lui a été soumise, décide que :

L’indication du numéro de dépôt d’une culture conformément à la règle 28(1)c) CBE ne peut être communiquée après l’expiration du délai fixé à la règle 28(2)a) CBE.