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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1980:J000880.19800718 | ||||||||
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Date de la décision : | 18 Juillet 1980 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | J 0008/80 | ||||||||
Numéro de la demande : | 79302097.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | – | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | Rib Loc Hong Kong | ||||||||
Nom de l’opposant : | – | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | 1. La Règle 88 de la CBE n’exclut pas la correction d’une erreur dans la désignation des Etats dans une demande de brevet européen, même lorsque l’erreur ne s’impose pas à l’évidence. 2. Dans les cas où l’erreur en question n’est pas évidente et dans les cas où il n’est pas immédiatement discernable que rien d’autre ne pouvait être envisagé que ce qui est proposé dans la requête en correction, il doit être posé au requérant les exigences les plus grandes en ce qui concerne la charge de la preuve. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Correction d’erreurs | ||||||||
Exergue : |
– |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La requérante est une société constituée selon les lois de la colonie de la couronne britannique de Hong Kong; c’est là qu’elle a également son siège social principal.
II. Le 3 octobre 1979 un mandataire agréé résidant et exerçant son activité en Angleterre a déposé, au nom de la requérante, et agissant sur instruction d’un cabinet de conseils en brevets d’Australie une requête en délivrance d’un brevet européen. La priorité d’un dépôt d’une demande antérieure du 6 octobre 1978 en Australie a été revendiquée.
III. La demande désignait quatre Etats contractants de la Convention sur le brevet européen et la taxe de désignation pour quatre Etats a été payée le 19 octobre 1979. La requérante avait toutefois donné des instructions au cabinet australien de conseils en brevets de désigner cinq Etats contractants, parmi ceux-ci la République fédérale d’Allemagne.
IV. Ayant été informée que seulement quatre Etats contractants (sans la République fédérale d’Allemagne) avaient été désignés, la requérante avait immédiatement fait une réclamation au sujet de cette omission. Le 25 octobre 1979, la taxe de désignation pour le cinquième Etat a été payée et le 28 novembre 1979 le mandataire agréé en Angleterre a demandé, en application de la règle 88 de la CBE, la correction de l’erreur dans la requête en délivrance par l’addition du nom de la République fédérale d’Allemagne. La requête en correction de l’erreur était accompagnée d’une preuve par écrit sous la forme d’une déclaration de la secrétaire de l’associé principal du cabinet australien de conseils en brevets faite selon le “Australian Statutory Declaration Act 1959”.
V. Il ressort de la déclaration, qui était accompagnée de quelques documents à l’appui, que des instructions claires avaient été données par télex de désigner entre autres l’Etat contractant oublié et que le cabinet australien de conseils en brevets avait répondu par une lettre indiquant qu’il avait préparé des requêtes en délivrance de brevets pour différents pays nommément indiqués et pour “l’Europe”, désignant sous cette dernière en-tête, individuellement, les cinq Etats contractants. Une copie du télex et une copie de la lettre ont été présentées. Il a été exposé que dans la lettre d’instruction quatre Etats contractants seulement avaient été désignés et que l’omission devrait être attribuée à une confusion entre les affaires de différents clients commise dans le cabinet de la société australienne de conseils en brevets.
VI. La section de dépôt de l’Office européen des brevets a informé le représentant agréé en Angleterre de la requérante, par lettre du 10 décembre 1979, que la règle 88 de la CBE ne trouvait pas application vu que dans la requête en délivrance il n’avait pas été mentionné l’intention de désigner un autre Etat en plus de ceux qui y étaient déjà désignés. En conséquence la section de dépôt a rendu, le 28 décembre 1979, une nouvelle décision par laquelle la requête du 28 novembre 1979, tendant à la correction de la désignation d’Etats contractants, était rejetée, sans que cette décision soit motivée de façon plus complète.
VII. Le 23 janvier 1980 la requérante a formé un recours contre la décision du 28 décembre 1979 et l’a motivé le 23 avril 1980. La taxe de recours a été payée en bonne et due forme.
VIII. Dans son exposé par écrit des motifs, la requérante fait valoir que la règle 88 de la CBE n’exclut pas la correction de la désignation d’Etats et que la deuxième phrase de cette règle 88 de la CBE n’exige que la rectification doive s’imposer à l’évidence que lorsqu’il s’agit de rectifications de la description, des revendications ou des dessins; il n’est pas prescrit, de façon non équivoque, que les rectifications ou erreurs dans les autres pièces doivent s’imposer à l’évidence.
IX. A l’appui de son exposé la requérante a présenté des copies de documents se rapportant à l’élaboration de la Convention sur le brevet européen qui montrent qu’il n’était pas envisagé d’exclure l’addition d’une désignation dans une requête en délivrance de la règle générale qui autorise la correction d’erreurs dans les pièces soumises à l’Office.
X. En ce qui concerne le premier document présenté, il s’agit d’une proposition de la délégation du Royaume-Uni pour la 9ème réunion du groupe de travail I en octobre 1971, (document de travail n° 7, 19 octobre 1971) à savoir la proposition d’un article dans le règlement d’exécution de la Convention qui prévoyait la correction de fautes de transcription ou d’erreurs manifestes dans une requête en délivrance d’un brevet européen mais excluait expressément l’addition d’autres Etats contractants.
XI. Le second document présenté (document de travail BR/GT I/131/71, 22 octobre 1971) montre que cette proposition n’a pas été acceptée. La proposition d’une règle à l’article 145 n° 4a a été acceptée dans une teneur qui devait permettre la correction des fautes ou erreurs manifestes dans toutes les pièces lorsqu’il était clair que la correction proposée correspondait à l’intention première. Des dérogations particulières – en ce qui concerne, par exemple, la désignation ultérieure d’un Etat -n’ont pas été prévues dans la nouvelle disposition; ceci a également été noté dans le rapport de la 9ème réunion du groupe de travail I (BR/135/71, page 31, 17 novembre 1971).
XII. D’autres recherches ont permis de constater qu’à l’occasion de la conférence intergouvernementale de Luxembourg (24 janvier au 4 février 1972) différentes organisations privées avaient proposé une règle qui devait permettre d’indiquer, à tout moment, dans un délai de 16 mois à compter de la date de priorité, la date et le pays d’une demande antérieure, dont la priorité était revendiquée. Cette proposition ne fut pas acceptée par les délégations nationales mais le groupe de travail I fut chargé de modifier la règle correspondante de telle façon qu’il fut possible de rectifier une déclaration inexacte dans une requête en délivrance (voir BR/168/72, page 36, 15 mars 1972).
XIII. Le rapport sur la réunion du groupe de travail I (BR/177/72, page 24, 13 avril 1972) montre clairement que le groupe de travail, en conséquence, intentionnellement, avait limité l’exigence que seulement les corrections s’imposant à l’évidence pouvaient être faites à la rectification d’erreurs dans la description, les revendications et les dessins. C’est ainsi qu’a été arrêtée la teneur actuelle de la règle 88 de la CBE. En même temps a été fixée la procédure de signalisation au demandeur des irrégularités concernant la date et le pays du premier dépôt et l’invitation à remédier à ces irrégularités (voir règle 41, paragraphes 2 et 3 de la CBE).
XIV. La conférence diplomatique de Washington de 1970 avait choisi une autre solution. La règle 91 du règlement d’exécution du traité de coopération en matière de brevets prévoit, en partie, ce qui suit:
“Erreurs évidentes de transcription” 91.1. Rectification
(a) Sous réserve des alinéas b) à g), les erreurs évidentes de transcription, dans la demande internationale ou dans d’autres documents présentés par le déposant, peuvent être rectifiées.
(b) Les erreurs qui sont dues au fait que, dans la demande internationale ou dans les autres documents, était écrit quelque chose d’autre que ce qui, de toute évidence, était voulu, sont considérées comme des erreurs évidentes de transcription. La rectification elle-même doit être évidente en ce sens que n’importe qui devrait constater immédiatement que rien d’autre que le texte proposé en tant que rectification n’aurait pu être voulu.
(c) Des omissions d’éléments entiers ou de feuilles entières de la demande internationale, même si elles résultent clairement d’une inattention, au stade, par exemple, de la copie ou de l’assemblage des feuilles ne sont pas rectifiables.
(d) Des rectifications peuvent être faites sur requête du déposant. L’administration ayant découvert ce qui semble constituer une erreur évidente de transcription peut inviter le déposant à présenter une requête en rectification, dans les conditions prévues aux alinéas e) à g).
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux articles 106 à 108 et aux règles 1, paragraphe 1 et 64 de la CBE; il est donc recevable.
2. C’est le premier recours où pour rendre la décision la Chambre de recours juridique devra examiner l’interprétation de la règle 88 de la CBE; il apparaît donc souhaitable que la Chambre commente de façon détaillée le droit applicable ainsi que, lors de requêtes basées sur la règle 88 de la CBE, la procédure qui doit être suivie.
3. Tout d’abord il convient de constater que la règle 88, 1er paragraphe de la CBE n’exclut pas la correction des erreurs concernant la désignation d’Etats même lorsque les rectifications ne “s’imposent pas à l’évidence” dans le sens défini par la deuxième phrase de la règle 88 de la CBE. Ceci ressort tout d’abord du texte même de la règle 88 de la CBE; le fait qu’il était envisagé que cela devait être, d’après la Convention, le droit applicable, ressort aussi sans équivoque du développement historique de ce droit tel qu’il est résumé dans les alinéas X-XIII.
4. Il devrait alors y avoir une erreur, dans le sens de la règle 88 de la CBE, dans une pièce soumise à l’Office européen des brevets lorsque la pièce ne reproduit pas la véritable intention pour laquelle elle avait été déposée. L’erreur peut se présenter sous forme d’une déclaration inexacte ou elle peut ressortir d’une omission. La rectification peut donc se faire de la sorte que la déclaration inexacte est formulée exactement ou que ce qui a été omis est ajouté.
5. Mais avant que l’Office accepte une requête en correction d’une erreur il doit être clair pour l’Office qu’il y a bien une erreur, en quoi l’erreur consiste et comment la correction doit être faite. Ceci est une protection indispensable à l’encontre d’un usage abusif des dispositions de la règle 88 de la CBE.
6. Il incombe à la personne qui demande correction de présenter à l’Office, de façon complète et sincère, les moyens de preuve se rapportant aux faits pertinents pour la décision à rendre. Dans les cas où l’erreur en question n’est pas évidente et dans les cas où il n’est pas immédiatement discernable que rien d’autre ne pouvait être envisagé que ce qui est proposé dans la requête en correction, il doit être posé les exigences les plus grandes en ce qui concerne la charge de la preuve. Si les preuves apportées sont incomplètes, pas claires ou ambiguës, la requête en correction devra être rejetée. Il doit notamment n’y avoir aucun doute raisonnable en ce qui concerne l’intention véritable de la personne pour laquelle le document a été déposé. Une simple explication de son intention qui ne serait pas appuyée par des preuves quant à ses propos et à ses actes devrait presque toujours être insuffisante. Il ne peut pas être permis que des dispositions qui doivent faciliter la rectification d’erreurs effectives soient utilisées par quelqu’un dans le but d’obtenir, de cette façon, une modification de son opinion ou un développement de ses intentions.
7. Dans un cas comme le présent cas il ne peut pas être permis au demandeur d’un brevet européen qui, par la suite, veut désigner des Etats qu’il n’avait pas l’intention à l’origine de désigner ou qui veut remplacer un Etat par un autre de se servir de la règle 88 de la CBE afin de tourner l’exigence de l’article 79 de la CBE, que la requête en délivrance pour un brevet européen doit comprendre la désignation de l’Etat contractant ou des Etats contractants dans lequel ou dans lesquels il est souhaité que l’invention soit protégée.
8. Dans le cas soumis ici à décision, les preuves présentées montrent que la requérante avait donné des instructions non équivoques à ses conseils en brevets australiens et que c’est par suite d’une erreur de leur part que des instructions inexactes ont été reçues par le mandataire agréé en Angleterre. Il ressort clairement des copies du télex et de la lettre présentées par la requérante qu’elle avait l’intention de désigner cinq Etats contractants et d’y inclure la République fédérale d’Allemagne. La personne responsable de l’erreur a déclaré par écrit comment l’erreur avait pu se produire et cela dans une forme qui répond aux lois de l’Etat dans lequel cette déclaration a été faite.
9. La chambre de recours juridique ne voit aucune raison de ne pas accepter ces preuves et les considère comme suffisantes pour justifier la requête de la requérante fondée sur la règle 88 de la CBE.
10. Dans cette procédure de recours il n’était pas nécessaire de se livrer à des considérations sur le fait de savoir si le droit d’exiger la correction d’une pièce en se basant sur la règle 88 de la CBE était soumis à certaines restrictions naturelles lorsque la requête en correction a été déposée relativement tard. Dans le présent cas, la requérante a agi immédiatement.
11. La décision attaquée par le recours est ainsi fondée sur une interprétation erronée de la règle 88 de la CBE et doit donc être annulée.
12. Dans le présent cas une requête en remboursement de la taxe de recours basée sur la règle 67 de la CBE n’a pas été présentée et les circonstances ne justifient pas un tel remboursement.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la section de dépôt de l’Office européen des brevets du 28 décembre 1979 est annulée.
2. Il est ordonné que la requête en délivrance déposée pour la demande de brevet européen n° 79302097.5 soit rectifiée de façon que la désignation de la République fédérale d’Allemagne y soit ajoutée.