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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1996:T008593.19961017 | ||||||||
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Date de la décision : | 17 Octobre 1996 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 0085/93 | ||||||||
Numéro de la demande : | 83110532.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | G07B 17/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Dispositif et procédé pour déterminer des tarifs postaux spéciaux | ||||||||
Nom du demandeur : | PITNEY BOWES INC. | ||||||||
Nom de l’opposant : | Francotyp-Postalia Aktiengesellschaft & Co. | ||||||||
Chambre : | 3.4.01 | ||||||||
Sommaire : | La preuve des connaissances générales de l’homme du métier, comme toute autre preuve à l’appui de la cause d’un opposant, devrait être produite au début de la procédure devant la division d’opposition (suivant la décision G 4/95, JO OEB 1996, 412), et peut être rejetée comme irrecevable à l’appréciation de la chambre, si elle est produite pour la première fois au cours de la procédure de recours. | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Preuves produites tardivement – admises dans la procédure de recours Activité inventive – non |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Une opposition a été formée contre le brevet européen n 0 107 187 en application de l’article 100a) CBE, au motif que l’objet du brevet n’était pas une invention au sens de l’article 52(2)c) CBE, n’était pas nouveau et n’impliquait pas une activité inventive.
A l’appui de ses conclusions selon lesquelles l’objet du brevet était dénué de nouveauté ou d’activité inventive, l’opposant a produit les pièces suivantes dans l’acte d’opposition :
E1 : US-A-4 325 440
E2 : “Digitale Rechenanlagen” de H. Kunsemüller, B. G. Teubner, 1971, pages 78 et 79.
Au cours de la procédure orale devant la division d’opposition, l’opposant a aussi cité le document de l’état de la technique suivant :
D1 : Meyer’s Lexicon, Bibliographisches Institut AG, 1971, page 17, entrée “Abakus”.
Exerçant le pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 114(2) CBE, la division d’opposition n’a pas pris en considération le document D1 et a rejeté l’opposition en application de l’article 102(2) CBE.
II. La revendication indépendante 1 du brevet tel que délivré s’énonce comme suit :
“Appareil de détermination de l’affranchissement pour des objets à expédier, comprenant : a) un dispositif destiné à déterminer le poids des objets,
b) un dispositif de saisie de données nécessaires à la détermination de la valeur d’affranchissement applicable à l’objet, les données comprenant des données déterminant des tarifs spéciaux le cas échéant, applicables à chacun des objets, et
c) un dispositif à processeur associé lors du fonctionnement au dispositif de détermination de poids et au dispositif de saisie de données afin qu’il détermine la valeur d’affranchissement applicable à chacun des objets, le dispositif à processeur comprenant en outre une mémoire destinée à conserver les premières tables de données déterminant des taux d’affranchissement de base, et des secondes tables déterminant des taux de tarifs spéciaux, les tarifs spéciaux comprenant des tarifs spéciaux orientés sur la valeur en monnaie, déterminés d’après la valeur saisie en monnaie, et le dispositif à processeur étant destiné, en fonction des poids déterminés et des données saisies applicables, à sélectionner une valeur d’affranchissement de base pour chacun des objets et, en fonction des poids déterminés et des données saisies selon le cas, à sélectionner des valeurs de tarif spécial pour chacun des objets auxquels les tarifs spéciaux s’appliquent, le processeur étant destiné à ajuster les valeurs d’affranchissement de base en fonction des valeurs choisies de tarif spécial, le cas échéant, et à transmettre les valeurs ajustées, caractérisé en ce que
d) chacune des secondes tables contient deux sections comprenant une section inférieure déterminant des taux de tarif spécial pour des valeurs saisies de monnaie allant jusqu’à une valeur prédéterminée en monnaie exprimée en un nombre prédéterminé de chiffres, y compris cette valeur, et une section supérieure déterminant des taux de tarif spécial pour des valeurs saisies en monnaie supérieures à la valeur prédéterminée en monnaie et comprenant plus du nombre prédéterminé de chiffres, et
e) pendant la détermination des valeurs des tarifs spéciaux, le processeur est destiné à sélectionner la valeur correspondante du tarif pour chaque objet en fonction de la valeur saisie en monnaie inférieure ou égale à la valeur prédéterminée en monnaie, dans la section inférieure, et étant destiné à sélectionner la valeur de tarif spécial pour chaque objet, en fonction de la valeur saisie en monnaie dépassant la valeur prédéterminée en monnaie, dans la section supérieure, après qu’il a arrondi la valeur saisie en monnaie de manière que les chiffres dépassant le nombre prédéterminé de chiffres soient des zéros.”
Les caractéristiques de la revendication indépendante 6, portant sur une méthode, correspondent pour l’essentiel à celles de la revendication 1 susmentionnée.
III. Dans la décision précitée, la division d’opposition a considéré que l’objet du brevet ne pouvait donner lieu à aucune objection au titre de l’article 52(2) CBE, car il procurait un effet technique en surmontant les contraintes techniques de l’état de la technique. Elle a en outre estimé que l’invention revendiquée était nouvelle et impliquait une activité inventive, puisque le document E2 ne faisait aucune allusion à l’utilisation d’une seconde table ayant des valeurs d’entrée tronquées et arrondies au chiffre supérieur.
IV. L’opposant a introduit un recours contre la décision susmentionnée et a demandé que le brevet soit révoqué dans son intégralité, puisque l’objet revendiqué n’impliquait pas une activité inventive par rapport aux documents cités au cours de la procédure devant la division d’opposition, ainsi qu’aux documents additionnels ci-après cités dans le mémoire exposant les motifs du recours :
E3 : Enzyklopädie Naturwissenschaft und Technik, édition Moderne Industrie Wolfgang Dummer & Co., 1979, pages 17 et 18, entrée “Abakus”.
E4 : Enzyklopädie Naturwissenschaft und Technik, édition Moderne Industrie Wolfgang Dummer & Co., 1980, page 4009, entrée “Skalierungsfaktor”.
E5 : Einführung in die Datenverarbeitung, de Sebastian Dworatschek, Walter de Gruyter & Co., 1971, pages 97 à 103.
V. Le titulaire du brevet (intimé) a demandé que le recours soit rejeté et que le brevet soit maintenu tel que délivré (requête principale).
Lors de la procédure orale devant la Chambre, il a été proposé, comme fondement d’une requête subsidiaire, d’apporter au texte de la revendication 1 du brevet tel que délivré les changements suivants :
remplacer “la valeur saisie en monnaie de manière que les chiffres dépassant le nombre prédéterminé de chiffres soient des zéros”, à la fin de la revendication, par “la valeur saisie en monnaie en un multiple de cent sans tenir compte des deux derniers zéros”.
Il a été demandé de modifier en conséquence la revendication indépendante 6, portant sur une méthode.
VI. Les conclusions de l’opposant à l’appui de sa requête peuvent être résumées comme suit.
a) Documents produits tardivement.
Malgré tout le soin apporté, il n’a pas été possible de trouver les documents E3, E4 et E5 pendant le délai d’opposition. En tout état de cause, ces documents représentent simplement les connaissances générales de l’homme du métier, auxquelles il avait déjà été fait référence au stade de l’opposition, si bien qu’il n’y a pas eu de ce fait introduction de nouveaux arguments au stade du recours. La décision T 379/88 va dans le sens des conclusions de l’opposant selon lesquelles un document représentant les connaissances générales de l’homme du métier ne peut pas être négligé simplement parce qu’il n’avait pas été cité pendant le délai d’opposition. En fait, il est de l’intérêt de toutes les parties qu’aucun brevet ne soit maintenu sans qu’un document antérieur pertinent cité au cours des procédures d’opposition ou de recours sur opposition n’ait été examiné. En particulier, le document E5 est très pertinent en ce qui concerne la question de l’activité inventive et il conviendrait donc de le prendre en considération.
b) Activité inventive.
Le document E1 divulgue un appareil suivant le préambule de la revendication 1 du brevet. Cet appareil permet uniquement de saisir un nombre prédéterminé de chiffres pour les valeurs en monnaie concernant des tarifs spéciaux (par exemple les tarifs d’assurance). Le problème soulevé par la disponibilité d’un nombre fixe de chiffres ne se limite pas au seul domaine technique des machines à affranchir, mais se pose aussi dans le domaine du traitement des données en général.
Le document E3 montre que les différentes colonnes de l’abaque, appareil notoire, correspondent aux différentes séries de nombres 1-9, 10-90, etc. Lorsqu’un nombre à représenter est supérieur aux positions disponibles dans une colonne, il faut que l’un aille sur la colonne suivante où chaque élément symbolise 10 fois les éléments de la première colonne. Cette fonction des colonnes de l’abaque correspond ainsi à la fonction des sections supérieure et inférieure citées dans la revendication 1 du brevet. L’application de la fonction bien connue d’un abaque à un ordinateur équipant un appareil de détermination de l’affranchissement était évidente pour l’homme du métier.
Concernant le traitement des données, le document E4 enseigne en outre que des facteurs d’échelle doivent être utilisés lorsque le nombre de chiffres dépasse une certaine limite. Par conséquent, l’enseignement contenu dans le document E4 rend aussi l’invention revendiquée évidente.
Le document E5, qui est un manuel général dans le domaine du traitement des données, divulgue (page 98, troisième paragraphe) que lorsqu’il est nécessaire de représenter un grand nombre ayant des chiffres dépassant un nombre déterminé de positions disponibles, les chiffres les moins significatifs ne sont pas pris en considération. Le nombre modifié (dont les chiffres les moins significatifs ont été supprimés) doit évidemment être distingué des autres nombres, ce qui pourrait être fait soit par l’utilisation d’un facteur d’échelle, soit à l’aide d’une table spéciale. Etant donné que des tarifs spéciaux dans une machine à affranchir n’augmentent pas de façon linéaire avec une valeur saisie en monnaie, il est évident que l’on ne peut utiliser un simple facteur d’échelle. L’homme du métier serait donc amené à utiliser une table spéciale pour représenter ces valeurs en monnaie plus élevées ainsi que les tarifs spéciaux correspondants.
Le fait d’arrondir au chiffre supérieur la valeur saisie en monnaie suivant la revendication ne constitue qu’une des deux solutions évidentes, à savoir arrondir au chiffre supérieur et arrondir au chiffre inférieur, ce que l’homme du métier ferait sans avoir à exercer une quelconque activité inventive.
L’homme du métier parviendrait donc à l’objet revendiqué en utilisant ce qui constituait ses connaissances générales dans le domaine du traitement des données, tel qu’indiqué dans le document E5.
En outre, le document E1 divulgue (voir colonne 15, ligne 67 à colonne 16, ligne 7 et figures 13 et 15) qu’un code binaire spécial est utilisé pour indiquer si un montant donné est en dollars ou en cents, ce qui implique l’utilisation de deux tables différentes, chacune contenant des valeurs qui diffèrent de celles de l’autre d’un facteur cent.
La décision de savoir s’il faut supprimer 1, 2 ou 3 chiffres des valeurs plus grandes est une décision arbitraire que l’homme du métier prendrait en fonction des circonstances. C’est pourquoi, la caractéristique additionnelle de la revendication 1 de la requête subsidiaire – c’est-à-dire l’abandon des deux derniers chiffres – n’est pas inventive.
VII. Les arguments du titulaire du brevet peuvent être résumés comme suit.
a) Documents produits tardivement.
Les documents E3, E4 et E5 ont été cités pour la première fois dans les motifs du recours, aucune raison n’étant donnée pour justifier leur production tardive. Conformément à la décision T 212/91, de nouveaux faits et notamment les nouvelles justifications, qui vont au-delà de “l’indication des faits et justification” présentés dans l’acte d’opposition, ne devraient être admis que très exceptionnellement dans la procédure, et encore uniquement si ces justifications sont de prime abord très pertinentes. En l’espèce, aucun des documents produits tardivement n’est particulièrement pertinent, de sorte que les documents devraient être tenus pour irrecevables.
b) Activité inventive.
Le document E1 divulgue un appareil de calcul de la valeur d’affranchissement tel que présenté dans le préambule de la revendication 1, mais ne fait aucune allusion à l’utilisation d’une table à consulter (ou section) différente lorsqu’une valeur en monnaie dépassant une valeur prédéterminée en monnaie est saisie. Dans l’appareil suivant la présente invention, la gamme des valeurs saisies en monnaie peut être augmentée au centuple en doublant simplement l’espace mémoire requis.
Le document E3 concerne le domaine des anciennes machines à calculer manuelles, et l’homme du métier familiarisé avec les machines à affranchir électroniques ne chercherait pas de solutions dans ce domaine.
Le document E4 explique le terme “facteur d’échelle” utilisé dans les ordinateurs analogique et numérique lorsque les entrées et les sorties sont trop grandes pour être affichées par les machines à calculer. Le document ne fait pas mention de tables à consulter, de sorte que ce document n’aiderait en rien l’homme du métier confronté au problème des tables à consulter de taille limitée.
Le document E5 enseigne que dans un système ayant une longueur de mot déterminée, les nombres dont les chiffres dépassent cette longueur de mot devraient être tronqués de façon à ce que les chiffres les moins significatifs soient supprimés. L’application de l’enseignement du document E5 à une machine à affranchir telle que divulguée dans le document E1 conduirait à une simple table à consulter ayant des entrées uniquement pour chaque valeur saisie en dixième ou en centième, ce qui est contraire à la présente invention, suivant laquelle deux tables à consulter (sections) séparées sont utilisées. La présente invention implique donc beaucoup plus que la simple utilisation d’une troncature et d’un facteur d’échelle.
De surcroît, dans le document E5 les valeurs saisies sont arrondies au chiffre inférieur. Par contre, dans la présente invention, les chiffres les moins significatifs sont supprimés et les valeurs saisies sont arrondies au chiffre supérieur. Il est en outre inexact que seules deux solutions possibles existent, à savoir arrondir au chiffre supérieur et arrondir au chiffre inférieur lorsqu’une valeur à saisir dépasse une valeur fixe. Ainsi, par exemple, la décision d’arrondir une valeur au chiffre supérieur (ou au chiffre inférieur) pourrait dépendre du fait de savoir si, en procédant ainsi, la valeur saisie serait plus proche de la valeur d’origine que dans le cas où la valeur aurait été arrondie au chiffre inférieur. Qui plus est, arrondir au chiffre supérieur est plus compliqué qu’arrondir au chiffre inférieur, puisque cela implique d’ajouter un au chiffre qui est voisin des chiffres supprimés.
Le passage du document E1 cité par l’opposant (voir colonne 15, ligne 67 à colonne 16, ligne 7) porte uniquement sur l’utilisation d’un facteur d’échelle suivant que des cents ou des dollars sont concernés. Ce passage n’a donc rien à voir avec les tables à consulter.
En conséquence, aucun des documents cités ne conduirait l’homme du métier à la solution revendiquée.
Conformément à la requête subsidiaire, la valeur saisie en monnaie est arrondie au chiffre supérieur en un multiple de cent et les deux derniers chiffres ne sont pas pris en considération, même si la valeur saisie dépasse d’un chiffre seulement le nombre prédéterminé de chiffres. Cette caractéristique constitue un avantage particulier de l’invention, auquel il n’est pas fait allusion dans les antériorités citées.
VIII. Dans une annexe à la citation à la procédure orale, la Chambre a informé les parties que le document E5 produit tardivement semblait à première vue suffisamment pertinent, de sorte qu’il pouvait être admis dans la procédure, sous réserve des conclusions des parties lors de la procédure orale.
IX. Une procédure orale a eu lieu le 17 octobre 1996, à l’issue de laquelle la révocation du brevet a été prononcée.
Motifs de la décision
1. Recevabilité des preuves produites tardivement
1.1 En ce qui concerne les documents E3, E4 et E5, produits pour la première fois dans le mémoire exposant les motifs du recours, l’opposant (requérant), s’appuyant sur la décision T 379/88 datée du 15 janvier 1991, a fait valoir qu’un document produit tardivement et mentionnant des connaissances générales de l’homme du métier dans le domaine technique pertinent ne peut pas ne pas être pris en compte pour non-production en temps utile en vertu de l’article 114(2) CBE, au motif qu’il sert simplement à confirmer ce qui est déjà généralement connu dans ledit domaine.
Cependant, de l’avis de la présente Chambre, les arguments exposés ci-dessus, qui ne laissent à la chambre de recours aucun pouvoir d’appréciation pour écarter un document produit tardivement et mentionnant des connaissances générales de l’homme du métier, sont contraires au principe juridique posé dans les décisions G 9/91 et G 10/91, JO 1993, 408 et 420, et élaboré dans les décisions T 1002/92 (JO 1995, 605, point 3.4) et T 212/91 (supra), à savoir que la finalité première de la procédure de recours est d’offrir à la partie déboutée la possibilité de contester le bien-fondé de la décision de la division d’opposition, et que cette “finalité première” de la procédure de recours suppose que le cadre de droit et de fait dans lequel se déroule la procédure demeure inchangé, après que la décision de la première instance a été rendue.
Conformément aux principes susmentionnés, il est indiqué dans la décision T 1002/92 (voir point 3.4, huitième paragraphe) que dans toute procédure de recours, la chambre ne devrait admettre des faits et justifications nouveaux, allant au-delà de ceux qui ont été invoqués dans l’acte d’opposition à l’appui des motifs d’opposition, qu’à titre tout à fait exceptionnel, si ces moyens de preuve nouveaux se révèlent de prime abord éminemment pertinents, en ce sens qu’ils risquent fort de faire obstacle au maintien du brevet européen en litige. Elle devra également tenir compte ce faisant des éléments pertinents de l’espèce, et voir notamment si le titulaire du brevet s’oppose à ce que la chambre prenne en considération ces nouveaux éléments, et si oui, pour quelles raisons, et mesurer en outre les complications que risquerait d’entraîner sur la procédure la prise en considération de ces nouvelles pièces.
Comme indiqué également dans la décision G 4/95 (JO OEB 1996, 412, point 4), “Selon la pratique des divisions d’opposition telle qu’exposée dans la communication “La procédure d’opposition à l’OEB” (JO OEB 1989, 417), les faits et justifications doivent être produits à un stade précoce de la procédure devant la division d’opposition – voir, en particulier, les points 8 à 13. Un opposant doit normalement produire les preuves à l’appui de son opposition dans le délai d’opposition de neuf mois ou dans un bref délai supplémentaire (deux mois) ; après quoi, le titulaire doit déposer ses preuves en réponse dans un délai déterminé.
Les procédures de recours sont normalement examinées et tranchées sur la base de faits et preuves produits au cours de la procédure devant la division d’opposition.
Bien que la production de faits et preuves par les parties aux procédures d’opposition ou aux procédures de recours sur opposition ne soit exclue à aucun stade de ces procédures, la recevabilité de faits et preuves produits à un stade tardif au cours de telles procédures est une question qui dépend toujours du pouvoir discrétionnaire de l’OEB (voir article 114(2) CBE).”
En conséquence, dans toute procédure d’opposition, c’est à l’opposant qu’il incombe de prouver la véracité de ses affirmations en produisant toutes les preuves à l’appui de l’opposition au début de la procédure devant la division d’opposition. Quoi qu’il en soit, toutes ces preuves doivent être produites pendant la procédure devant la division d’opposition. Toute preuve produite au cours de la procédure de recours peut ne pas être prise en considération.
En l’espèce, les documents produits tardivement sont cités comme preuve des connaissances générales de l’homme du métier dans le domaine technique pertinent et sont utilisés pour établir le bien-fondé des conclusions du requérant, qui figurent dans l’acte d’opposition et selon lesquelles la caractéristique distinguant l’invention telle que revendiquée dans le brevet en litige de l’état de la technique le plus proche (document E1) faisait partie des connaissances générales de l’homme du métier. Ainsi, même si les nouveaux documents ne modifient pas le fond de l’argumentation, ils introduisent de nouveaux faits et changent donc le cadre des faits par rapport à ce qu’il était lors de la procédure devant la division d’opposition. Par conséquent, contrairement aux conclusions de l’opposant, la Chambre est en droit d’exercer son pouvoir d’appréciation suivant l’article 114(2) CBE pour ne pas tenir compte de ces documents, bien que ces derniers mentionnent des connaissances générales dans le domaine technique pertinent.
1.2 La question à laquelle la Chambre doit répondre est donc de savoir si les circonstances de la présente affaire justifient l’admission des documents produits tardivement dans la procédure de recours, conformément à l’article 114(1) CBE.
La discussion du document E5 produit tardivement montre de façon évidente qu’il est tout à fait pertinent, en ce sens qu’il risque de faire obstacle au maintien du brevet. La Chambre accepte également l’argument de l’opposant, selon lequel les documents produits tardivement n’avaient pas été découverts antérieurement. De l’avis de la Chambre, la production tardive des documents n’était donc pas délibérée et ne constitue pas un détournement de procédure (voir décision T 534/89, JO OEB 1994, 464). En outre, étant donné que les documents E3, E4 et E5 étaient cités dès le début dans le mémoire exposant les motifs du recours et que la divulgation du document E5 sur lequel se base l’opposant est relativement courte et simple, la Chambre considère que l’introduction de ce document dans la procédure de recours ne serait pas déloyale vis-à-vis du titulaire du brevet et qu’elle ne poserait pas non plus de problème de procédure.
Compte tenu de ce qui précède, la Chambre a décidé d’admettre le document E5 dans la procédure. Les autres documents produits tardivement n’étant pas pertinents, ils n’y sont donc pas admis.
1.3 Le titulaire du brevet n’avait pas déposé de requête en répartition des frais pour compenser la production tardive des documents. La Chambre estime en outre que dans le contexte global de la procédure de recours tout délai supplémentaire requis pour l’examen du document E5 était minime.
2. Activité inventive
Revendication 1 (requête principale)
2.1 Le document E1 représente l’état de la technique le plus proche et divulgue un appareil de détermination de l’affranchissement, tel qu’indiqué dans le préambule de la revendication 1 considérée.
L’appareil suivant la présente invention se distingue ainsi de l’état de la technique le plus proche par les caractéristiques d) et e) du préambule de la revendication.
Compte tenu de ces caractéristiques distinctives, le problème objectif posé dans la présente invention peut être considéré comme celui qui est exposé dans le brevet en litige (page 2, lignes 28 à 31), et qui consiste à concevoir, avec seulement quelques changements minimes dans le système, un appareil capable de déterminer des tarifs spéciaux basés sur des valeurs en monnaie plus grandes que le montant maximum pouvant être exprimé dans le nombre de chiffres qu’autorise l’appareil de l’état de la technique, tel qu’il figure dans le document E1.
2.2 Ainsi qu’il ressort du brevet en litige (voir page 2, lignes 20 à 22), la nécessité d’assurer des objets pour des valeurs en monnaie dépassant p.ex. 1 000 000 de dollars US est reconnue en ce qui concerne les appareils de détermination de l’affranchissement, de sorte que, de l’avis de la Chambre, l’homme du métier doit être présumé conscient des limites de l’appareil connu, lorsqu’il traite ces valeurs élevées. C’est pourquoi, l’homme du métier envisagerait de modifier à cette fin l’appareil connu et, pour des raisons d’économie et de fiabilité de l’appareil connu, n’y apporterait que les modifications minimes nécessaires. La Chambre considère donc que la reconnaissance du problème objectif exposé ci-dessus ne confère aucune activité inventive à l’objet revendiqué.
2.3 Les machines à affranchir modernes telles que l’appareil divulgué dans le document E1 contiennent des dispositifs de traitement des données destinés au traitement des valeurs saisies en monnaie, de sorte que l’homme du métier hypothétique familiarisé avec ces machines à affranchir est aussi un expert dans le domaine du traitement des données ; on peut donc présumer qu’il possède des connaissances générales dans ce domaine.
Comme indiqué au point 2.1 ci-dessus, le document E5 est un manuel standard sur l’introduction au traitement des données ; il représente donc les connaissances générales dans le domaine du traitement des données. Il est expliqué dans la partie “2.2.1 Begrenzte Stellenzahl” (voir notamment page 98, troisième paragraphe) que si un nombre à saisir dans un appareil a plus de chiffres qu’un nombre déterminé de chiffres accepté par l’appareil, le nombre peut alors être saisi en le tronquant, les chiffres les moins significatifs qui dépassent étant supprimés.
2.4 Le titulaire du brevet a fait valoir qu’une simple intégration de l’enseignement du document E5, c’est-à-dire la suppression des chiffres les moins significatifs qui dépassent, dans l’appareil mentionné dans le document E1, ne mènerait pas à l’appareil suivant l’invention, puisqu’aucun de ces documents ne divulgue les caractéristiques suivantes de l’invention :
i) arrondissement au chiffre supérieur de la valeur saisie en monnaie, lorsque cette valeur dépasse une valeur prédéterminée en monnaie (c’est-à-dire un nombre prédéterminé de chiffres),
ii) disponibilité d’une section supérieure de la seconde table, cette section déterminant des taux de tarif spécial pour des valeurs saisies en monnaie supérieures à la valeur prédéterminée en monnaie et comprenant plus du nombre prédéterminé de chiffres, et
iii) sélection d’une valeur des tarifs spéciaux correspondant à la valeur saisie en monnaie, dans la section supérieure ou inférieure de la table, selon que la valeur saisie en monnaie dépasse ou non la valeur prédéterminée en monnaie,
iv) la sélection d’une valeur des tarifs spéciaux, dans la section supérieure, étant faite après que la valeur saisie en monnaie a été arrondie au chiffre supérieur comme dans i) ci-dessus.
2.5 Même si la Chambre considère, comme le titulaire du brevet, que les caractéristiques ci-dessus ne sont divulguées dans aucun des deux documents E1 et E5, elle estime que ces caractéristiques auraient été jugées évidentes par l’homme du métier, et ce pour les raisons exposés ci-après.
L’appareil présenté dans le document E1 comporte une seconde table n’ayant qu’une section (correspondant à la section inférieure de la seconde table suivant l’appareil revendiqué), et des valeurs de tarif spécial sont affectées à des valeurs spéciales en monnaie jusques et y compris une valeur prédéterminée en monnaie. En d’autres termes, l’appareil figurant dans le document E1 ne présente pas de relation fonctionnelle fixe entre le tarif et la valeur en monnaie, et il offre la possibilité d’affecter n’importe quel tarif à une valeur saisie en monnaie, par exemple un tarif d’assurance pour un objet à expédier. En outre, le processeur mentionné dans le document E1 sélectionne un tarif correspondant à la valeur saisie en monnaie dans la table.
Pour l’homme du métier chargé du problème objectif susmentionné, il serait évident que des valeurs en monnaie élevées, dépassant la valeur prédéterminée en monnaie, doivent être distinguées dans la seconde table des valeurs en monnaie jusques et y compris la valeur prédéterminée en monnaie, de sorte que les valeurs en monnaie élevées ne peuvent pas être simplement tronquées comme dans le document E5. De même, pour conserver la possibilité d’affecter le tarif souhaité à une valeur en monnaie dans la seconde table de l’appareil présenté dans le document E1, l’homme du métier verrait qu’il est nécessaire de doter la seconde table d’une section supplémentaire pour les valeurs en monnaie élevées, similaire à celle prévue pour les valeurs en monnaie plus petites ou égales à la valeur prédéterminée en monnaie.
En outre, la technologie du traitement des données et les techniques de détermination de l’affranchissement impliquent habituellement des décisions logiques. Par exemple, dans l’appareil présenté dans le document E1, une valeur d’affranchissement basée sur la valeur des tarifs spéciaux est générée (voir p.ex. colonne 3, lignes 23 à 30), si l’information fournie indique que des catégories de tarifs spéciaux doivent être utilisées. La Chambre considère donc qu’il était évident pour l’homme du métier de configurer le processeur du document E1 de telle sorte qu’il sélectionne un tarif dans la section appropriée de la seconde table, selon que la valeur saisie en monnaie dépasse ou non une valeur prédéterminée.
En ce qui concerne la caractéristique i), la Chambre considère, comme le titulaire du brevet, que dans l’appareil présenté dans le document E5 les chiffres les moins significatifs dépassant un nombre déterminé de positions disponibles sont simplement supprimés, de telle sorte que le nombre saisi est arrondi au chiffre inférieur. Sachant que dans les appareils de détermination de l’affranchissement tels que celui décrit dans le document E1, les valeurs de tarifs spéciaux doivent être déterminées, p.ex. pour les valeurs d’assurance des objets à expédier, le fait d’arrondir un nombre au chiffre inférieur conduirait à sous-assurer l’objet à expédier. Cela étant bien entendu indésirable, la Chambre est d’avis que la décision d’arrondir au chiffre supérieur une valeur tronquée en monnaie aurait été évidente pour l’homme du métier, même si cela aurait nécessité en plus d’augmenter de un le chiffre le moins significatif restant après la troncature.
Pour les motifs indiqués plus haut, la Chambre est d’avis que l’objet de la revendication 1 serait évident pour l’homme du métier et qu’il n’implique donc pas une activité inventive au sens de l’article 56 CBE.
2.6 Revendication 1 – Requête subsidiaire
Conformément à la revendication 1 de la requête subsidiaire, lorsque la valeur saisie en monnaie possède un ou plusieurs chiffres qui dépassent le nombre de chiffres dans la valeur prédéterminée en monnaie, la valeur saisie en monnaie est arrondie au chiffre supérieur en un multiple de cent et les deux derniers zéros ne sont pas pris en considération.
La Chambre considère que pour les appareils de détermination de l’affranchissement la décision de savoir combien de chiffres doivent être supprimés dans les valeurs en monnaie plus élevées dépend des circonstances de l’espèce, ainsi que le montre la discussion ci-dessous.
Si, comme c’est le cas par exemple dans la description du brevet (voir page 2, lignes 20 à 24), il est nécessaire de déterminer des taux de tarif spécial pour des valeurs en monnaie plus élevées, qui dépassent de deux chiffres ou plus le nombre de chiffres permis par l’appareil compris dans l’état de la technique, il serait alors évident pour l’homme du métier de supprimer les deux derniers chiffres. Suivant la taille de la mémoire disponible pour le stockage des valeurs spéciales en monnaie et des valeurs de tarif correspondantes, l’homme du métier arrondirait au chiffre supérieur la valeur en monnaie en un multiple de cent, même si la valeur en monnaie plus élevée n’avait qu’un seul chiffre supplémentaire. A cet égard, il serait évident pour l’homme du métier que le fait d’arrondir au chiffre supérieur la valeur en monnaie en un multiple de dix et de supprimer un zéro final, lorsque la valeur en monnaie plus élevée a un chiffre supplémentaire, nécessiterait de décupler la capacité de la mémoire requise lorsque les deux derniers zéros ne sont pas pris en compte.
Pour les motifs indiqués plus haut, la Chambre est d’avis que l’objet de la revendication 1 de la demande subsidiaire n’implique pas une activité inventive.
3. Etant donné que ni la requête principale, ni la requête subsidiaire ne satisfont à l’exigence concernant l’activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE), le brevet est révoqué.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la division d’opposition est annulée.
2. Le brevet européen est révoqué.