http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/recent/t950931fp1.html
Content reproduced from the Website of the European Patent Office as permitted by their terms of use.
European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2000:T093195.20000908 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 08 Septembre 2000 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 0931/95 | ||||||||
Numéro de la demande : | 88302239.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | G06F 15/30 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | Pension Benefit Systems Partnership | ||||||||
Nom de l’opposant : | – | ||||||||
Chambre : | 3.5.01 | ||||||||
Sommaire : | 1. L’existence d’un caractère technique est une condition implicite de la CBE, à laquelle une invention doit satisfaire pour être une invention au sens de l’article 52(1) CBE (cf. décisions T 1173/97 et T 935/97). 2. Les méthodes faisant uniquement intervenir des idées économiques et des pratiques commerciales ne sont pas des inventions au sens de l’article 52(1) CBE. Une caractéristique d’une méthode portant sur l’utilisation de moyens techniques à des fins exclusivement non techniques et/ou pour traiter des informations de nature exclusivement non technique ne confère pas nécessairement un caractère technique à ladite méthode. 3.Tout dispositif constituant une entité physique ou un produit concret pouvant servir ou aider à réaliser une activité économique, est une invention au sens de l’article 52(1) CBE. 4.Rien dans la CBE ne permet d’opérer une distinction entre les “nouvelles caractéristiques” d’une invention et les caractéristiques de ladite invention connues de l’état de la technique lorsqu’il s’agit de déterminer si l’invention revendiquée peut être considérée comme une invention au sens de l’article 52(1) CBE. Ainsi, la CBE n’offre aucune base juridique permettant d’appliquer, aux fins précitées, l’approche fondée sur la contribution à l’état de la technique. (cf. décisions T 1173/97 et T 935/97) |
||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Exclusion de la brevetabilité : des plans, principes et méthodes dans le domaine des activités économiques (oui) – des dispositifs constituant une entité physique pour la mise en oeuvre desdites méthodes (non) |
||||||||
Exergue : |
– |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des Faits et Conclusions
I. Le recours est dirigé contre une décision de la division d’examen rejetant la demande de brevet européen n 88 302 239.4.
Cette décision a été remise à la poste le 7 juillet 1995. La demande a été rejetée au motif qu’elle porte sur une méthode dans le domaine des activités économiques dépourvue de caractère technique et donc exclue de la brevetabilité au titre de l’article 52(2) et (3) CBE.
D’après la décision, l’état de la technique le plus proche est constitué par des systèmes de retraite privés tels que décrits à la page 1, lignes 18 à 24 de la demande. Toutefois, rien dans la demande ne permet de déduire que l’objet revendiqué apporte une contribution à l’état de la technique.
Plus précisément, l’objet revendiqué, considéré dans son ensemble, n’apporte aucune contribution à l’état de la technique dans un domaine non exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) CBE. En d’autres termes, la demande porte sur un objet non brevetable en tant que tel, et sur ce point la décision fait également référence à l’article 52(3) CBE.
Etant donné que les caractéristiques des régimes de retraite privés existants ne sont pas mentionnées dans la demande, il n’est pas possible de déduire un problème objectif à caractère technique à partir de la différence entre l’objet revendiqué et l’état de la technique le plus proche.
En outre, la décision attaquée souligne que toutes les compétences nécessaires à la compréhension de ce qui est réalisé par l’invention ne sont pas de nature technique, puisque la demande porte sur des plans, principes et méthodes dans le domaine des activités économiques, sans qu’aucun problème technique soit résolu.
Hormis les moyens de traitement des données, les revendications de ce qui était alors la requête principale contenaient des expressions telles que moyen de calcul de l’âge moyen, moyen de calcul du coût d’assurance vie, moyen de calcul du coût administratif, et les revendications de la requête subsidiaire mentionnaient de surcroît quatre composants mathématiques et deux moyens de produit mathématique.
Dans la décision attaquée, la division d’examen a considéré que ces expressions ne correspondent à aucune définition technique, lesdits moyens renvoyant seulement à leur finalité, à savoir assurer la division du travail moyennant la prise en compte de facteurs commerciaux et de gestion, sans définir les caractéristiques du matériel utilisé. La description ne suggère ou n’indique nulle part des éléments techniques.
II. Le requérant a formé un recours le 8 septembre 1995 pour demander l’annulation de la décision de la première instance. La taxe de recours a été payée le même jour et un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 15 novembre 1995.
Avec le mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a déposé une requête principale qui correspond, abstraction faite de deux erreurs de détail corrigées, à la requête principale telle que rejetée par la décision attaquée, une première requête subsidiaire, et une deuxième requête subsidiaire, cette dernière correspondant à la requête subsidiaire telle que rejetée par la décision attaquée.
Les revendications indépendantes 1 et 5 de la requête principale s’énoncent comme suit :
“1. Méthode pour contrôler un système de caisse de retraite en administrant au moins un compte d’employeur affilié pour le compte des employés inscrits de l’employeur affilié, chacun d’eux devant recevoir des prestations périodiques, ladite méthode comprenant : la fourniture, à un moyen de traitement des données, d’informations provenant de chaque employeur affilié susmentionné, définissant le nombre, les revenus et l’âge de tous les employés inscrits dudit employeur affilié ;
la détermination de l’âge moyen de tous les employés inscrits à l’aide d’un moyen de calcul de l’âge moyen ; la détermination du coût périodique de l’assurance vie pour tous les employés inscrits dudit employeur affilié, à l’aide d’un moyen de calcul du coût de l’assurance vie ; l’estimation, à l’aide d’un moyen de calcul du coût administratif, de toutes les dépenses annuelles relatives à l’administration, à l’assistance juridique, aux actes fiduciaires et aux primes gouvernementales, pour ledit employeur affilié ; la méthode produisant, en cours d’utilisation, des informations définissant pour chaque employeur affilié la cotisation périodique à un fonds collectif, la valeur nominale d’un contrat d’assurance vie pour chaque employé inscrit à acheter à une société d’assurance vie et imputé au fonds collectif, et à maintenir en vigueur jusqu’au décès dudit employé, et les prestations périodiques reçues par chaque employé inscrit en cas de décès, d’invalidité ou de départ à la retraite.”
“5. Dispositif pour contrôler un système de caisse de retraite comprenant :
un moyen de traitement des données conçu pour recevoir en mémoire des informations en provenance de chaque employeur affilié définissant le nombre, les revenus et l’âge de tous les employés inscrits, ledit moyen de traitement des données comprenant un processeur qui inclut :
A. un moyen de calcul de l’âge moyen pour déterminer l’âge moyen de tous les employés inscrits ;
B. un moyen de calcul du coût de l’assurance vie pour déterminer le coût périodique de ladite assurance pour tous les employés inscrits dudit employeur affilié ;
C. un moyen de calcul du coût administratif pour estimer toutes les dépenses annuelles relatives à l’administration, à l’assistance juridique, aux actes fiduciaires et aux primes gouvernementales, pour ledit employeur affilié ; le dispositif étant conçu de sorte à produire, en cours d’utilisation, des informations définissant la cotisation financière à un fonds collectif de chaque employeur affilié ; la valeur nominale de chaque contrat d’assurance vie à verser dans ledit fonds collectif par une société d’assurance vie, sur la vie de chaque employé inscrit, et à maintenir en vigueur jusqu’au décès dudit employé ; et les prestations périodiques à verser par ledit fonds collectif à chaque employé inscrit en cas de décès, d’invalidité ou de départ à la retraite.”
La revendication 6 dépendante de la requête principale s’énonce comme suit :
“6. Dispositif tel que revendiqué à la revendication 5, dans lequel le processeur est conçu de façon à produire :
un premier composant mathématique pour estimer le nombre minimum d’années de versements à un fonds collectif pour chaque employeur affilié incluant la soustraction, pour chaque employeur inscrit, de l’âge minimum escompté pour recevoir des prestations de l’âge moyen susdit des employés inscrits pour chaque employeur affilié ;
un deuxième composant mathématique pour estimer la valeur future de toutes les prestations d’assurance vie de chacun des employés inscrits dudit employeur affilié ;
un troisième composant mathématique pour estimer les actifs futurs de tous les contrats d’assurance vie conclus pour tous les employés inscrits pour chacun desdits employeurs affiliés ;
un quatrième composant mathématique pour estimer une réserve de liquidités en vue de financer des primes d’invalidité ;
un premier moyen de produit mathématique pour calculer un composant prédividende de la cotisation de chaque employeur affilié pour l’obtention d’un contrat d’assurance vie pour chaque employé inscrit, comprenant la soustraction du deuxième composant mathématique du troisième composant mathématique, puis la division par le premier composant mathématique pour produire un premier dividende qui est ensuite divisé par la masse salariale périodique de l’employeur affilié;
et un deuxième moyen de produit mathématique pour calculer la cotisation financière périodique de l’employeur affilié, comprenant l’addition du premier moyen de produit mathématique, du quatrième composant mathématique, du coût périodique de l’assurance vie, et des dépenses précitées.
” La seule revendication indépendante de la première requête subsidiaire, la revendication 1, est identique à la revendication 5 de la requête principale.
La seule revendication de la deuxième requête subsidiaire correspond en substance à la revendication 6 de la requête principale.
III. La procédure orale devant la Chambre a eu lieu le 8 décembre 1999.
Le requérant a formulé les requêtes suivantes, à savoir :
que la décision attaquée soit annulée et qu’un brevet soit délivré sur la base de la requête principale ou de la première ou deuxième requête subsidiaire, toutes les requêtes étant telles que déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours ;
à titre subsidiaire, que la question de droit suivante soit soumise à la Grande Chambre de recours :
“Le terme “technique” englobe-t-il les activités informatisées des professions actuarielles travaillant dans un contexte industriel ?
” Au terme de la procédure orale, la Chambre a décidé que les débats étaient clos et que l’affaire était mise en délibéré.
IV. Le requérant a expliqué que les moyens de calcul et de traitement des données selon l’invention constituent la base technique servant à la mise en oeuvre d’un nouveau régime de retraite radicalement différent de ceux déjà existants avant la date de dépôt de la demande. Le régime de retraite selon la demande est un système de financement complet et fiable, qui réduit la charge financière et administrative des deux parties concernées (employés et employeurs), et présente des avantages importants comparés aux régimes de retraite traditionnels.
Le requérant fait valoir qu’il convient de distinguer entre “le domaine des activités économiques” mentionné à l’article 52(2)c) CBE et la présente invention, laquelle consiste en un outil technique utilisé par un actuaire exerçant sa profession dans le domaine des affaires et de la gestion de fonds.
En outre, les revendications portent sur le traitement de données en rapport avec des entités physiques, comme ce fut le cas dans la décision T 208/84, Invention concernant un calculateur/VICOM (JO OEB 1987, 14), et non pas directement sur un régime de retraite “en tant que tel”, de sorte que les dispositions relatives à l’exclusion ne sont pas applicables au regard de l’article 52(3) CBE.
De surcroît, compte tenu de la décision T 1002/92, Séquence d’attente des clients/PETTERSSON (JO OEB 1995, 605), la division d’examen n’aurait pas dû appliquer l’approche basée sur la contribution technique pour se prononcer sur l’invention eu égard aux exclusions au titre de l’article 52(2) et (3) CBE.
D’autre part, il n’y a aucune raison de se fonder sur le “caractère technique” de l’invention, puisqu’un tel critère ne figure pas dans la Convention sur le brevet européen comme condition de brevetabilité.
D’ailleurs, l’interprétation du terme “technique” dans la présente affaire est obsolète et ne coïncide pas avec le sens ordinaire du mot.
La pratique consistant à exclure de la brevetabilité les méthodes commerciales a été abandonnée dans plusieurs pays non européens ; en ce qui concerne les Etats-Unis d’Amérique, le requérant a cité la décision State Street Bank & Trust Co. v. Signature Financial Group, Inc., 1998, rendue par la Cour des Appels pour le Circuit Fédéral, en faisant observer que l’USPTO avait délivré un brevet portant sur son système de retraite conformément à la présente demande de brevet européen.
En outre, suite aux décisions T 769/92, Système de gestion universel/SOHEI (JO OEB 1995, 525) et T 1002/92, Séquence d’attente des clients/PETTERSSON, la pratique de l’OEB a également changé, ouvrant la voie de la protection par brevet aux méthodes dans le domaine des activités économiques. L’objet du litige dans la décision T 1002/92, Séquence d’attente des clients/PETTERSSON ressemble à tel point à celui de la présente affaire que cette décision doit être suivie pour apprécier la brevetabilité en l’espèce.
Si la Chambre estime toutefois que le caractère technique est un critère indispensable à la brevetabilité, il ne fait aucun doute que la présente invention telle que revendiquée a un caractère technique. Ceci vaut certainement pour les revendications de dispositif, mais également pour les revendications portant sur une méthode, lesquelles englobent l’utilisation de moyens de traitement de données, qui sont des moyens techniques.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 et aux règles 1(1) et 64 CBE. Il est donc recevable. Condition relative au caractère technique
2. Selon la jurisprudence des chambres de recours, l’utilisation du terme “invention” à l’article 52(1) CBE conjointement à ce qu’il a été convenu d’appeler les “critères d’exclusion” de l’article 52(2) et (3) CBE où il est question des éléments qui “ne sont pas considérés comme des inventions au sens du paragraphe 1”, est comprise comme impliquant une “exigence de caractère technique” ou une “technicité” à laquelle doit satisfaire l’invention revendiquée pour être brevetable. Ainsi, une invention peut être considérée comme telle au sens de l’article 52(1) si, par exemple, elle produit un effet technique, ou si des considérations techniques sont nécessaires pour la mettre en oeuvre (Jurisprudence des Chambres de recours de l’Office européen des brevets, 3e édition, 1998, chapitre I.A.1 ; Directives relatives à l’examen C-IV.2.2).
Par exemple, dans ses décisions les plus récentes rendues dans les affaires T 1173/97, Produit “programme d’ordinateur”/IBM (JO OEB 1999, 609) et T 935/97, Produit “programme d’ordinateur” II/IBM (non publiée au JO), la Chambre de recours a estimé que le caractère technique d’une invention doit être considéré comme une condition de brevetabilité généralement admise.
Dans ces affaires, la Chambre est arrivée à la conclusion qu’un produit “programme d’ordinateur” (par exemple le programme lui-même) qui présentait un caractère technique n’était pas un programme d’ordinateur en tant que tel, et n’était donc pas exclu de la brevetabilité au titre de l’article 52(2) et (3) CBE. Ce produit constituait par conséquent une invention brevetable (point 5 des motifs).
Requête principale : revendication portant sur une méthode
3.Suite à ces décisions, la question à laquelle il convient de répondre en l’espèce est de savoir si la méthode selon la revendication 1 représente une méthode dans le domaine des activités économiques en tant que telle. Si la méthode est technique ou, en d’autres termes, si elle présente un caractère technique, elle peut toujours être une méthode dans le domaine des activités économiques, sans pour autant être une méthode dans le domaine des activités économiques en tant que telle.
La revendication 1 de la requête principale, abstraction faite des divers moyens de calculs qu’elle mentionne, porte sur une “méthode pour contrôler un système de caisse de retraite en administrant au moins un compte d’employeur affilié”. Toutes les caractéristiques de cette revendication sont des étapes de traitement et de production d’informations ayant un caractère purement administratif, actuariel et/ou financier. Le traitement et la production de ce type d’informations sont des étapes classiques dans le domaine des activités économiques et commerciales. Par conséquent, l’invention revendiquée ne va pas au-delà d’une méthode dans le domaine des activités économiques en tant que telle, et elle est, dès lors, exclue de la brevetabilité au titre de l’article 52(2)c) ensemble l’article 52(3) CBE ; la revendication ne définit pas une invention au sens de l’article 52(1) CBE.
Le requérant se réfère aux moyens de traitement des données et de calcul mentionnés dans la revendication portant sur une méthode, affirmant que leur utilisation confère un caractère technique à la méthode revendiquée. Or, les différentes étapes constituant la méthode revendiquée reviennent, ni plus, ni moins, à enseigner l’utilisation de moyens informatiques pour traiter ou fournir des informations de nature purement administrative, actuarielle et/ou financière, chaque étape de la méthode ainsi que la méthode dans son ensemble ayant une finalité purement économique.
La caractéristique consistant à utiliser des moyens techniques à des fins exclusivement non techniques et/ou pour traiter des informations foncièrement non techniques, ne confère pas nécessairement un caractère technique à chaque étape de la méthode ou à la méthode dans son ensemble : en fait, toute activité dans les domaines non techniques de la civilisation humaine fait intervenir des entités physiques et fait donc appel, dans une certaine mesure, à des moyens techniques.
Il ne ressort pas de la demande de brevet que les différentes étapes de la méthode ou la méthode elle-même résolvent tel ou tel problème technique ou produisent un quelconque effet technique, et aucun argument ou élément concret en ce sens n’a été soumis à la Chambre.
La Chambre fait remarquer qu’il ne suffit pas qu’une revendication comporte des caractéristiques techniques pour que son objet devienne une invention au sens de l’article 52(1).
Une telle approche serait par trop formaliste, et ne tiendrait pas dûment compte de la signification du terme “invention”. Etant donné ce qui précède, la Chambre conclut ce qui suit :
Les méthodes faisant intervenir uniquement des notions d’économie et des pratiques dans le domaine des activités économiques ne sont pas des inventions au sens de l’article 52(1) CBE.
Une caractéristique d’une méthode portant sur l’utilisation de moyens techniques à des fins exclusivement non techniques et/ou pour traiter des informations de nature exclusivement non techniques ne confère pas nécessairement un caractère technique à ladite méthode.
Jurisprudence citée par le requérant 4. A l’appui de sa requête, le requérant a cité les décisions T 208/84, T 769/92 et T 1002/92.
Dans l’affaire T 208/84, Invention concernant un calculateur/VICOM, la chambre a considéré qu’une “méthode de traitement numérique d’images” était un procédé technique, principalement au motif qu’elle était mise en oeuvre sur une entité physique. La méthode ne faisait pas qu’ajouter des informations ; elle produisait également un résultat technique en appliquant des techniques particulières de traitement numérique de l’image, par exemple en vue d’améliorer ou de restaurer des images. Ce caractère technique distingue le cas précité de la présente espèce.
Dans l’affaire T 769/92, Système de gestion universel/SOHEI, la revendication portant sur une méthode commençait par les termes “une méthode permettant d’exploiter un système de gestion informatisée universel”, les étapes de la méthode étant étroitement liées à des caractéristiques fonctionnelles définissant le système informatique fonctionnant grâce à ladite méthode. Dans cette affaire, la chambre a estimé que l’invention revêtait un caractère technique au motif qu’il fallait faire nécessairement intervenir des considérations techniques pour la mettre en oeuvre. Une invention technique ne peut pas perdre son caractère technique du fait qu’elle est utilisée à des fins non techniques, comme par exemple la gestion financière. Par conséquent, la finalité d’une telle méthode et de ses étapes constitutives garde son caractère technique, à savoir le fonctionnement d’un système technique garantissant le caractère technique de la méthode elle-même.
Dans l’affaire T 1002/92, Séquence d’attente des clients/PETTERSSON, il a été décidé qu’un “système pour déterminer la séquence d’attente pour la délivrance de services à des clients en plusieurs points de délivrance de services” était un dispositif tridimensionnel, et donc de nature technique, ce qui le distingue clairement de l’objet des revendications de méthode de la présente espèce.
Première requête subsidiaire : revendication de dispositif
5. La première requête subsidiaire vise à protéger un dispositif destiné à contrôler un système de caisse de retraite. Compte tenu du système de retraite auquel la demande se rapporte, le terme “dispositif” peut très bien être compris comme désignant un organigramme. En outre, le terme “moyen” utilisé dans la revendication ne désigne pas nécessairement des éléments matériels, des fonctions matérielles ou une combinaison de fonctions matérielles/logicielles, mais il peut englober des sous-unités et des sous-structures organisationelles remplissant des fonctions particulières ayant un caractère économique ou commercial. Dès lors, la revendication, lue isolément, peut être interprétée comme revendiquant un plan entrant uniquement dans le cadre d’activités économiques, c’est-à-dire un plan en tant que tel, qui en vertu des articles 52(2)c) et 52(3) CBE, ne saurait être considéré comme une invention au sens de l’article 52(1) CBE.
Le requérant fait toutefois valoir que le dispositif consiste en un ordinateur ou système d’ordinateurs dûment programmés. Cette interprétation de la revendication, et notamment du terme “dispositif”, est corroborée par la manière dont le “moyen de calcul” est décrit par référence à la figure 3 dans la demande proprement dite. Ce principe est accepté par la Chambre dans le cadre des présentes considérations.
De l’avis de la Chambre, un système informatique dûment programmé en vue d’une utilisation dans un domaine particulier, même s’il s’agit du domaine de l’économie et des affaires, constitue un dispositif concret au sens d’une entité physique, fabriqué par l’Homme à des fins utilitaires, et est donc une invention au sens de l’article 52(1) CBE.
Une telle distinction, eu égard à la brevetabilité, entre une méthode dans le domaine des activités économiques et un dispositif capable de mettre en oeuvre une telle méthode est justifiée à la lumière du libellé de l’article 52(2)c) CBE, en vertu duquel “les plans, principes et méthodes” forment des catégories d’objets non brevetables dans le domaine de l’économie et des affaires ; or, la catégorie “dispositifs”, au sens d’entité “physique” ou de “produit”, n’est nullement mentionnée à l’article 52(2) CBE.
En d’autres termes, si une revendication porte sur une telle entité, la catégorie à laquelle ressortit la revendication implique en fait que l’objet revendiqué possède des caractéristiques physiques qui peuvent être considérées comme des caractéristiques techniques de l’invention, et donc jouer un rôle dans l’appréciation de la brevetabilité.
Par conséquent, la Chambre conclut ce qui suit :
Tout dispositif constituant une entité physique ou un produit concret pouvant servir ou aider à réaliser une activité économique, est une invention au sens de l’article 52(1) CBE.
Objections du requérant
6. Le requérant a insisté sur le fait que le caractère technique n’est pas une condition de brevetabilité au titre de la CBE, et qu’il est erroné de suivre l’approche fondée sur la contribution à l’état de la technique pour déterminer si l’objet revendiqué constitue une invention au sens de l’article 52(1).
La Chambre est d’accord avec le requérant sur le principe selon lequel l’article 52 CBE, pas plus que les autres dispositions de la deuxième partie de la CBE qui traite du droit des brevets, n’exige explicitement que l’invention ait un caractère technique pour être brevetable.
L’article 52, notamment son paragraphe 1, dispose uniquement que les brevets sont délivrés pour des inventions.
Cependant, étant donné la jurisprudence des chambres de recours et l’usage fréquent du terme “technique” dans la CBE et son règlement d’exécution, lequel fait partie intégrante de la CBE, et si l’on tient dûment compte du contexte dans lequel le terme “technique” est utilisé ici, la Chambre estime, contrairement au requérant, que l’exigence de technicité est inhérente à la notion d’invention telle qu’elle figure à l’article 52(1).
La Chambre en conclut que :
La présence d’un caractère technique est une exigence implicite de la CBE, à laquelle doit satisfaire toute invention pour être une invention au sens de l’article 52(1) CBE, conformément aux décisions T 1173/97 et T 935/97.
Par conséquent, la Chambre est totalement d’accord avec les passages suivants des Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB :
le point C-IV, 1.1, d’où il ressort que l’article 52(1) CBE énonce quatre conditions fondamentales de brevetabilité, à savoir qu’il doit tout d’abord y avoir une invention, et que s’il existe une invention, celle-ci doit satisfaire aux exigences relatives à l’application industrielle, à la nouveauté et à l’activité inventive ;
le point C-IV, 2.2, dernière phrase, selon lequel le test fondamental permettant de déterminer si l’on est en présence ou non d’une invention au sens de l’article 52(1) est séparé et distinct de l’examen visant à déterminer si l’objet est susceptible d’application industrielle, est nouveau et implique une activité inventive ;
le point C-IV, 1.2, où il est indiqué que “en plus des quatre conditions fondamentales de brevetabilité”, la CBE et son règlement d’exécution énoncent implicitement la condition selon laquelle “l’invention doit être de caractère technique”.
Il se peut, comme l’affirme le requérant, que la signification du terme “technique” ou “caractère technique” ne soit pas particulièrement claire. Toutefois, il en va de même du terme “invention”. De l’avis de la Chambre, le fait que le sens exact d’un terme puisse être discuté n’est pas nécessairement en soi une raison suffisante pour ne pas l’utiliser comme critère, surtout en l’absence d’un terme meilleur. C’est là une question que la jurisprudence pourrait clarifier.
La Chambre est d’accord avec le requérant sur le fait que l’approche fondée sur la contribution à l’état de la technique n’est pas appropriée pour déterminer si l’on se trouve en présence d’une invention au sens de l’article 52(1) CBE, comme l’a déjà fait observer la Chambre dans les décisions antérieures susmentionnées.
La Chambre estime que :
Rien dans la CBE ne permet d’opérer une distinction entre les “nouvelles caractéristiques” d’une invention et les caractéristiques de ladite invention connues de l’état de la technique lorsqu’il s’agit de déterminer si l’invention revendiquée peut être considérée comme une invention au sens de l’article 52(1) CBE. Ainsi, la CBE n’offre aucune base juridique permettant d’appliquer, aux fins précitées, l’approche fondée sur la contribution à l’état de la technique.
La Chambre relève une certaine contradiction dans les Directives entre, d’une part, la dernière phrase du point C-IV, 2.2 cité plus haut, où il est dit que le test fondamental permettant de déterminer si l’on est en présence ou non d’une invention au sens de l’article 52(1) est séparé et distinct de l’examen visant à déterminer si l’objet est susceptible d’application industrielle, est nouveau et implique une activité inventive, et, d’autre part, un passage précédent du même point, où l’application de l’approche fondée sur la contribution est expliquée comme suit :
“l’examinateur devrait faire abstraction de la forme ou de la catégorie de la revendication et concentrer son attention sur son contenu afin de déterminer quelle contribution réelle l’objet revendiqué, considéré dans son ensemble, apporte à l’état de la technique. Si cette contribution n’a aucun caractère technique, il n’y a pas d’invention au sens de l’article 52(1)”. Ceci revient à confondre l’exigence relative à “l’invention” et les conditions relatives à la “nouveauté” et à “l’activité inventive”.
Dans un souci d’harmonisation du droit des brevets, il semble opportun de mentionner ici la décision de la Cour fédérale de justice allemande (BGH) dans l’affaire XZB 15/98, “Dispositif d’analyse linguistique”, datée du 11 mai 2000. Dans cette décision, la Cour fédérale applique elle-même la notion de caractère technique tout en faisant remarquer que le “caractère technique”, en tant que critère distinctif de la brevetabilité, est une notion plutôt vague, et qu’il n’est pas approprié d’opérer une distinction entre les caractéristiques nouvelles et les caractéristiques connues d’une revendication en vue de déterminer si l’invention est exclue ou non de la brevetabilité.
Activité inventive
7. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en application de l’article 111(1) CBE, la Chambre estime opportun de trancher elle-même la question de l’activité inventive, sans renvoyer l’affaire à la division d’examen pour poursuite de la procédure.
Les faits et arguments nécessaires pour trancher la question de l’activité inventive ont été produits au cours de la procédure devant la première instance dans le cadre de l’approche fondée sur la contribution, qui a été adoptée par la division d’examen pour déterminer si l’invention revendiquée constituait ou non une invention au sens de l’article 52(1). Cette approche est à ce point étroitement liée à l’examen en matière d’activité inventive que la division d’examen a en fait décidé implicitement qu’il y avait absence d’activité inventive au titre de l’article 56 CBE.
Un renvoi à la première instance pour de simples raisons formelles ne semble donc pas justifié en raison du temps considérable qu’a déjà nécessité la procédure devant la première instance et devant la présente Chambre.
La Chambre juge superflu de rouvrir le débat pour examiner davantage la question de l’activité inventive puisque les faits et arguments nécessaires pour trancher cette question ont également fait l’objet de discussions devant la Chambre dans le même contexte que devant la division d’examen, et ce de façon exhaustive.
Cela étant, les requêtes formulées par le requérant portent sur la délivrance du brevet, ce qui suppose que la Chambre prenne pleinement en considération les dispositions de la CBE.
8. Bien qu’il puisse être considéré que l’objet de la revendication 1 de la première requête subsidiaire représente une invention au sens de l’article 52(1) CBE, celui-ci n’implique pas d’activité inventive au sens de l’article 56 CBE.
Dans la décision attaquée, l’état de la technique le plus proche est identifié dans la description comme étant “les systèmes de caisse de retraite existants”. La décision explique en outre que la demande ne permet pas de dégager un quelconque problème technique ou une quelconque contribution de l’objet revendiqué à l’état de la technique.
En effet, le perfectionnement que se propose d’apporter l’invention selon la demande relève essentiellement de l’économie, et ne peut donc contribuer à l’activité inventive. C’est seulement avec la programmation d’un système informatique destiné à réaliser l’invention que l’on entre dans le domaine des objets brevetables. L’activité inventive doit donc être appréciée du point de vue d’un développeur de logiciels ou d’un programmeur d’applications, c’est-à-dire d’un homme du métier connaissant l’idée maîtresse et la structure du système de caisse de retraite amélioré et des schémas sous-jacents de traitement informatique tels qu’exposés par exemple dans les présentes revendications de méthode.
Etant donné que les caractéristiques techniques du dispositif revendiqué sont définies d’un point de vue fonctionnel précisément par les étapes de traitement informatique faisant partie des connaissances de l’homme du métier, et que l’utilisation de systèmes informatiques dans le domaine économique était déjà généralisée à la date de priorité (date de dépôt) de la demande, force est de conclure que l’objet revendiqué n’implique aucune activité inventive (article 56 CBE).
9. Si l’on considère que le requérant, dans sa deuxième requête subsidiaire, ne fait qu’ajouter des caractéristiques fonctionnelles définies par des étapes de traitement de données économiques, les conclusions auxquelles la Chambre parvient à propos de la première requête subsidiaire eu égard à l’article 56 CBE, s’appliquent également à cette deuxième requête subsidiaire.
10. L’autre requête subsidiaire du requérant visant à saisir la Grande Chambre de recours de la question de savoir si le terme “technique” englobe les activités informatisées des professions actuarielles travaillant dans un contexte industriel est rejetée puisque la présente Chambre a déjà répondu à cette question dans ce qui précède, en ce sens que la réponse peut ou non être affirmative en fonction des circonstances spécifiques de l’espèce.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit:
Le recours est rejeté.