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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T114997.19990507
Date de la décision : 07 Mai 1999
Numéro de l’affaire : T 1149/97
Numéro de la demande : 88301957.2
Classe de la CIB : G01N 9/00
G01N 11/16
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande : Transducteur pour liquides
Nom du demandeur : Solartron Group Limited
Nom de l’opposant : Endress + Hauser GmbH + Co.
Chambre : 3.4.02
Sommaire : I. S’il n’a pas été formé d’opposition, la décision de délivrer un brevet européen constitue normalement un “point de non-retour” pour les modifications qu’il est possible d’apporter aux pièces de la demande dans le cadre de la procédure européenne. Si une opposition a été formée, on peut considérer que cet effet irréversible produit par la délivrance d’un brevet se traduit par les restrictions auxquelles est soumise la modification ultérieure du fascicule du brevet en vertu des règles 57bis et 87 ainsi que de l’article 123(3) CBE.
II. Bien que l’article 123(3) CBE vise uniquement les revendications du brevet européen, les modifications apportées à la description et aux dessins peuvent également étendre la protection conférée conformément à l’article 69(1) CBE.
III. Si, eu égard aux articles 84 et 69 CBE, les pièces de la demande ont été adaptées avant la délivrance pour tenir compte des modifications apportées aux revendications, ce qui a conduit à supprimer des éléments divulgués initialement afin d’éviter toute incohérence dans le fascicule du brevet, il n’est pas possible normalement, à moins d’enfreindre l’article 123(3) CBE, de rétablir dans le fascicule du brevet ou dans les revendications du brevet tel que délivré un objet qui avait été supprimé pour cette raison. Il en va de même pour les éléments qui, lors de cette adaptation, ont été maintenus dans le fascicule du brevet pour faciliter la compréhension, mais dont il est précisé qu’ils sont sans rapport avec l’invention revendiquée (cf. point 6 des motifs).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 69(1)
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
European Patent Convention 1973 R 57a
Mot-clé : Nouveauté – requête principale ainsi que deuxième et troisième requêtes subsidiaires (non)
Activité inventive – première requête subsidiaire (non) – sixième requête subsidiaire (oui)
Modifications – quatrième et cinquième requêtes subsidiaires (non admissibles) : effet irréversible produit par la délivrance du brevet en vertu de l’article 123(3) CBE
Exergue :

Décisions citées :
G 0001/84
G 0002/88
G 0001/93
G 0007/93
T 0061/85
T 0064/85
T 0420/86
T 0673/89
T 0784/89
T 0187/91
T 0977/94
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0037/99
T 0274/00
T 0268/02
T 0684/02
T 0081/03
T 0975/03
T 0012/05
T 0142/05
T 0402/05
T 0513/05
T 1481/05
T 1887/06
T 0364/08
T 2220/14
T 1477/15

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre la décision de la division d’opposition de révoquer le brevet européen n 0 282 251.

L’intimé (opposant) avait fait opposition au brevet dans son ensemble sur la base des motifs visés à l’article 100 a) CBE, en faisant valoir que l’objet du brevet en litige était dénué de nouveauté et/ou d’activité inventive. Les documents suivants étaient notamment cités dans l’acte d’opposition (la Chambre reprend ici le système de citation utilisé par la division d’opposition) :

A : DE-C-17 73 815 et

B : DE-C-33 36 991.

La division d’opposition a estimé que les motifs d’opposition énumérés à l’article 100 a) CBE faisaient obstacle au maintien du brevet contesté, dans la mesure où l’objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré n’était pas nouveau par rapport à l’état de la technique divulgué dans le document B. En outre, elle a considéré que le texte modifié de la revendication 1 selon une des requêtes subsidiaires était contraire aux dispositions de l’article 123(2) CBE et n’était donc pas admissible.

II. Dans l’avis provisoire émis dans sa notification en date du 10 février 1999, établie conformément à l’article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours, la Chambre a déclaré que le transducteur pour fluide divulgué dans le document B faisait obstacle à la nouveauté de l’objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré, car le terme “étrier” semblait couvrir la partie filetée du document B qui comprenait également une “cavité”. En outre, elle estime qu’il était fort douteux que les modifications apportées par le requérant à la revendication 1 selon les différentes requêtes subsidiaires qu’il avait produites avec son mémoire exposant les motifs du recours puissent être considérées comme répondant aux exigences de l’article 123(2). En particulier, une configuration dans laquelle une seule des deux cavités contenait un moyen d’excitation, l’autre cavité demeurant vide ou contenant un élément détecteur, ne semblait pas découler directement et sans ambiguïté des pièces de la demande telle que déposée.

III. La procédure orale requise par le requérant à titre subsidiaire a eu lieu le 7 mai 1999. Au cours de la procédure orale, le requérant s’est référé à un article paru dans :

The Marconi Review, vol. XLIII, n 218, 1980, pages 156 à 175,

qui avait déjà été cité par la division d’examen (en tant que document D1) et dont il était fait état dans le brevet en litige. La Chambre a rendu sa décision à l’issue de la procédure orale.

IV. Le requérant a demandé que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base de la requête principale (brevet tel que délivré) ou de l’une des six requêtes subsidiaires présentées au cours de la procédure orale.

V. L’intimé a demandé le rejet du recours.

VI. La revendication 1 selon les différentes requêtes figurant au dossier à la date à laquelle a été rendue la présente décision s’énonce comme suit :

Requête principale

“1. Transducteur pour fluide comprenant :

un élément détecteur (10) adapté à être plongé dans un fluide, ledit élément détecteur comprenant une paire de dents (834, 835 ; ou 845, 846) qui s’étendent dans une direction axiale à partir de, et en étant reliées ensemble par un étrier commun (836 ou 842), et qui peuvent être mises en vibration par résonance à une fréquence commune mais en opposition de phase ;

un moyen piézoélectrique (830 ; ou 840, 841) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour exciter cette vibration résonnante des dents en opposition de phase ; et

un autre moyen piézoélectrique (20 ou 48) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour détecter la fréquence de la vibration ; caractérisé en ce que le moyen d’excitation (830 ; ou 840, 841) est monté sous compression axiale dans une cavité (831 ; ou 850, 851) dans l’étrier (836 ou 842) dans une région de ce dernier faiblement espacée du point où la face intérieure (832 ou 833 ; ou 843 ou 844) de l’une des dents (834 ou 835 ; ou 845 ou 846) rejoint l’étrier.”

Première requête subsidiaire

Deuxième requête subsidiaire

Troisième requête subsidiaire

“1. Transducteur pour fluide comprenant :

un élément détecteur (10) adapté à être plongé dans un fluide, ledit élément détecteur comprenant une paire de dents (834, 835 ; ou 845, 846) qui s’étendent dans une direction axiale à partir de, et en étant reliées ensemble par, un étrier commun (836 ou 842), et qui peuvent être mises en vibration par résonance à une fréquence commune mais en opposition de phase ;

un moyen piézoélectrique (830 ; ou 840, 841) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour exciter cette vibration résonnante des dents en opposition de phase ; et

un autre moyen piézoélectrique (20 ou 48) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour détecter la fréquence de la vibration ; caractérisé en ce que le moyen d’excitation (830 ; ou 840, 841) est monté sous compression axiale dans une cavité enfermée (831 ; ou 850, 851) dans l’étrier (836 ou 842) dans une région de ce dernier faiblement espacée du point où la face intérieure (832 ou 833 ; ou 843 ou 844) de l’une des dents (834 ou 835 ; ou 845 ou 846) rejoint l’étrier.”

Quatrième requête subsidiaire

“1. Transducteur pour fluide comprenant :

un élément détecteur (10) adapté à être plongé dans un fluide, ledit élément détecteur comprenant une paire de dents (845, 846) qui s’étendent dans une direction axiale à partir de, et en étant reliées ensemble par, un étrier commun (842), et qui peuvent être mises en vibration par résonance à une fréquence commune mais en opposition de phase ;

un moyen piézoélectrique (840, 841) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour exciter cette vibration résonnante des dents en opposition de phase ; et

un autre moyen piézoélectrique (20 ou 48) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour détecter la fréquence de la vibration ; caractérisé en ce que l’étrier contient deux cavités (850, 851), le moyen d’excitation (840, 841) est monté sous compression axiale dans au moins une des cavités (850, 851) dans l’étrier (842) dans une région de ce dernier faiblement espacée du point où la face intérieure (843 ou 844) de l’une des dents (845 ou 846) rejoint l’étrier.”

Cinquième requête subsidiaire

“1. Transducteur pour fluide comprenant :

un élément détecteur (10) adapté à être plongé dans un fluide, ledit élément détecteur comprenant une paire de dents (845, 846) qui s’étendent dans une direction axiale à partir de, et en étant reliées ensemble par, un étrier commun (836 ou 842), et qui peuvent être mises en vibration par résonance à une fréquence commune mais en opposition de phase ;

un moyen piézoélectrique (840, 841) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour exciter cette vibration résonnante des dents en opposition de phase ; et

un autre moyen piézoélectrique (20 ou 48) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour détecter la fréquence de la vibration ; caractérisé en ce que l’étrier contient deux cavités, le moyen d’excitation (840, 841) et le moyen détecteur étant montés sous compression axiale dans les cavités (850, 851) dans l’étrier (836 ou 842) dans une région de ce dernier faiblement espacée du point où la face intérieure (843 ou 844) de l’une des dents (845 ou 846) rejoint l’étrier.”

Sixième requête subsidiaire

“1. Transducteur pour fluide comprenant :

un élément détecteur (10) adapté à être plongé dans un fluide, ledit élément détecteur comprenant une paire de dents (845, 846) qui s’étendent dans une direction axiale à partir de, et en étant reliées ensemble par, un étrier commun (842), et qui peuvent être mises en vibration par résonance à une fréquence commune mais en opposition de phase ;

un moyen piézoélectrique (840, 841) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour exciter cette vibration résonnante des dents en opposition de phase ; et

un autre moyen piézoélectrique (20 ou 48) monté à l’intérieur dudit élément détecteur pour détecter la fréquence de la vibration ; caractérisé en ce que l’étrier a deux cavités, le moyen piézoélectrique d’excitation (840, 841) comprend deux éléments piézoélectriques montés sous compression axiale dans les cavités respectives (850, 851) de l’étrier (842) dans une région de ce dernier faiblement espacée du point où la face intérieure (843 ou 844) de l’une des dents (845 ou 846) rejoint l’étrier.”

VII. L’argumentation développée par le requérant à l’appui de ses requêtes peut se résumer comme suit :

Requête principale

Troisième requête subsidiaire

Dans la revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire, il est précisé que la cavité est “enfermée”, cette précision se fondant sur le passage figurant à la colonne 10, lignes 1 à 4 du fascicule de la demande publiée (du brevet contesté) et sur les exemples donnés dans les figures 8 et 9 du brevet en litige. Il est considéré que cette précision vaut pour une configuration dans laquelle l’élément piézoélectrique est inclus dans la cavité. Même si certains passages de la description initiale n’ont pas été repris dans le fascicule du brevet, un titulaire de brevet est encore en droit, après la délivrance, d’introduire dans les revendications des caractéristiques restrictives divulguées initialement. Etant donné qu’un câble doit nécessairement passer à travers l’enceinte revendiquée, l’homme du métier considérerait que la cavité est “pratiquement” enfermée.

Quatrième et cinquième requêtes subsidiaires

Pour ce qui est de l’admissibilité de l’objet revendiqué conformément aux quatrième et cinquième requêtes subsidiaires, le requérant cite la décision T 187/91, dans laquelle il a été estimé qu’un exemple particulier donné dans le cadre d’une divulgation générique doit être considéré comme faisant partie de la demande telle que déposée, si l’on peut estimer que pour l’homme du métier qui lirait la demande, cet exemple particulier pourrait fort bien constituer un mode de réalisation de l’invention décrite dans la demande. Dans la présente affaire, l’homme du métier envisagerait sérieusement la possibilité qu’une seule dent soit excitée, eu égard aux revendications initiales 1 et 7 qui divulguent un étrier ayant une ou plusieurs cavités, et au passage figurant à la colonne 2, lignes 13 à 17 du fascicule de la demande publiée, dans lequel il est mentionné explicitement comme variantes possibles l’excitation d’une seule dent et l’enregistrement de la réponse d’une seule dent. Il est tout à fait permis de recourir à la divulgation initiale pour limiter davantage les revendications. En outre, les variantes faisant intervenir une seule dent font partie des connaissances générales de l’homme du métier dans le domaine technique concerné. Les généralisations intermédiaires selon les quatrième et cinquième requêtes subsidiaires doivent donc être considérées comme admissibles au regard de l’article 123(2) CBE.

Sixième requête subsidiaire

Enfin, l’objet de la revendication 1 selon la sixième requête subsidiaire étant limité au mode de réalisation de la figure 9 du brevet en litige, il est clairement brevetable par rapport à l’état de la technique qui a été pris en compte dans la procédure .

VIII. L’intimé quant à lui a fait valoir les arguments suivants :

Requête principale …

Troisième requête subsidiaire

L’intimé a soutenu que conformément à l’article 123(2) CBE, les possibilités de modifications avant la délivrance dépendent de l’étendue de la divulgation initiale. Toutefois, après la délivrance, si l’objet du fascicule du brevet a été limité par suppression de passages des pièces de la demande telle que déposée, les possibilités de modification sont elles aussi limitées par le jeu de l’article 123(3) CBE. Pour tenter de modifier les revendications après la délivrance, il n’est pas possible de faire valoir que la divulgation correspondant à l’expression “cavité enfermée” se fonde sur les passages du fascicule de la demande publiée cités par le requérant. La seule source pouvant être invoquée pour cette divulgation pourrait être le texte associé à la figure 9 du brevet en litige, qui précise que les cavités sont fermées par des bouchons. Toutefois, si ce mode concret de réalisation était généralisé, la protection se verrait étendue au-delà du contenu du fascicule du brevet. Enfin, puisque le terme “enfermé” ne signifie pas que la cavité est “entièrement fermée”, les éléments piézoélectriques dans le transducteur en colonne 41 du document B peuvent également être considérés comme enfermés par l’élément de connexion 44 et les appuis en forme de barre dans la cavité 14.

Quatrième et cinquième requêtes subsidiaires

Il en va de même pour ce qui est de l’admissibilité de l’objet revendiqué selon les quatrième et cinquième requêtes subsidiaires. Les passages du fascicule de la demande publiée cités par le requérant ont été remplacés ou supprimés dans le brevet en litige, si bien qu’ils ne peuvent plus être invoqués comme fondement de modifications pouvant être apportées aux revendications. La décision T 187/91 avait trait à une situation procédurale différente, si bien que ses conclusions ne peuvent valoir dans la présente affaire, car la marge de manoeuvre pour ce qui est des modifications qu’il serait possible d’apporter est limitée en l’occurrence au contenu du brevet en litige. En outre, les connaissances de l’homme du métier ne peuvent servir de critère pour l’appréciation de l’admissibilité, car sinon tous les équivalents directs feraient partie de la divulgation initiale, or ce n’est pas le cas, si l’on en croit l’interprétation constante qui a été donnée de l’article 123(2) CBE.

Sixième requête subsidiaire

La revendication 1 selon la sixième requête subsidiaire n’appelle aucune objection du point de vue de la forme. Toutefois, la description doit être soigneusement adaptée de manière à ce qu’elle tienne compte du libellé des revendications, vu que le brevet a été limité au mode de réalisation présenté à la figure 9. Il convient en particulier de supprimer du fascicule du brevet les autres modes de réalisation de l’invention. Par conséquent, s’il était fait droit à la sixième requête subsidiaire, l’affaire devrait être renvoyée à la première instance.

Motifs de la décision

1. Recevabilité du recours

Le recours répond aux conditions requises par la règle 65 CBE ; il est donc recevable.

2. Requête principale

2.1.5 Par conséquent, l’objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré n’est pas nouveau (article 54 CBE), si bien que la revendication 1 n’est pas acceptable.

3. Première requête subsidiaire

En conséquence, l’objet revendiqué n’implique pas en tout état de cause l’activité inventive exigée par l’article 56 CBE, si bien que la revendication 1 selon la première requête subsidiaire n’est pas acceptable.

4. Deuxième requête subsidiaire

Par conséquent, l’objet de la revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire est également dénué de nouveauté par rapport au document B (article 54 CBE).

5. Troisième requête subsidiaire

5.1 Admissibilité des modifications

La revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire diffère de la revendication 1 du brevet tel que délivré en ce que le terme “cavité” a été remplacé par l’expression “cavité enfermée”. Il est exact que le passage du fascicule de la demande publiée (colonne 10, lignes 1 à 4) cité par le requérant à ce propos se rapporte à la figure 10 initiale, qui a été supprimée avant la délivrance du brevet.

Ledit passage, dans lequel il est précisé que l’élément piézoélectrique est “enfermé” dans l’étrier, figure néanmoins encore dans le fascicule du brevet (cf. colonne 9, lignes 23 à 26), où il sert à décrire la figure 8 du brevet en litige (figure 11 initiale). La Chambre juge justifiée cette adaptation des pièces initiales de la demande pour tenir compte du texte des revendications dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet, étant donné que le transducteur selon la figure 11 initiale est présenté dans le fascicule de la demande publiée comme étant similaire à celui de la figure 10, mis à part un élément piézoélectrique annulaire (cf. colonne 10, lignes 18 à 24 du fascicule de la demande publiée). Les autres caractéristiques des deux modes de réalisation devant donc être plus ou moins identiques, il est considéré dans la présente affaire qu’il est admissible au regard de l’article 123(2) CBE de reprendre sous une forme légèrement adaptée le texte associé à la figure 10 initiale, afin de compléter la description plutôt sommaire de la figure 11 initiale (l’actuelle figure 8 du brevet contesté).

En outre, les figures 8 et 9 du brevet en litige, qui illustrent les seuls modes de réalisation de l’invention revendiquée qui ont été maintenus, présentent clairement des configurations dans lesquelles la cavité est “enfermée”.

La revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire satisfait par conséquent aux conditions requises à l’article 123 CBE.

5.2 Nouveauté

Toutefois, le fait de préciser que la “cavité” selon la revendication 1 du brevet tel que délivré est “enfermée” ne saurait conférer à l’objet revendiqué un caractère de nouveauté par rapport au document B.

Comme l’a déclaré la Chambre aux parties lors de la procédure orale, le document B (cf. en particulier la figure 2) divulgue déjà une tête électronique 30 comprenant un habitacle 31 qui doit également être considéré comme “enfermant” la cavité 14 de la partie filetée 10 au sens large du terme.

Par conséquent, la revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire n’est pas non plus acceptable (article 54 CBE).

6. Quatrième et cinquième requêtes subsidiaires

6.1 Admissibilité des modifications

6.1.1 Dans les quatrième et cinquième requêtes subsidiaires, la revendication 1 du brevet tel que délivré a été modifiée dans la mesure où il a été précisé que l’étrier contient deux cavités, le moyen d’excitation étant monté dans au moins une des cavités (revendication 1 selon la quatrième requête subsidiaire) ou, selon une variante, le moyen d’excitation et le moyen détecteur étant montés dans les cavités (revendication 1 selon la cinquième requête subsidiaire).

De l’avis du requérant, ces modifications sont fondées sur les revendications 1 et 7 initiales, qui divulguent un étrier ayant au moins une cavité, c’est-à-dire une ou plusieurs cavités, ainsi que sur le passage figurant à la colonne 2, lignes 13 à 17 du fascicule de la demande publiée qui divulgue la possibilité d’exciter et/ou d’enregistrer la réponse d’une seule dent.

6.1.2 Or, dans le fascicule du brevet, les revendications 1 et 7 initiales ont été remplacées par la revendication 1 du brevet tel que délivré, et le passage susmentionné du fascicule de la demande publiée a été supprimé lorsque la description a été adaptée avant la délivrance pour tenir compte des modifications apportées aux revendications.

Il existe également dans le fascicule du brevet un autre passage (allant de la colonne 5, ligne 56 à la colonne 6, ligne 20) dont on pourrait comprendre qu’il porte sur l’excitation d’une seule dent et/ou l’enregistrement de la réponse d’une seule dent (cf. en particulier le passage figurant à la colonne 6, lignes 17 à 20 du brevet en litige). Toutefois, outre le fait que ce passage est jugé ambigu par la Chambre et qu’on pourrait également comprendre par exemple qu’il couvre la variante limitée à une seule des deux dents, l’autre dent ayant une configuration identique, il ressort du fascicule du brevet que ledit passage ne porte pas sur l’invention revendiquée, mais sur un objet qui a été expressément maintenu dans le fascicule du brevet à seule fin de rendre intelligible l’objet revendiqué dans le brevet tel que délivré (cf. passage allant de la colonne 2, ligne 31 à la colonne 3, ligne 1 et le passage figurant à la colonne 9, lignes 13 à 18 du brevet en litige : le premier de ces deux passages distinguant les “exemples utiles à l’intelligence de l’invention” des “modes de réalisation de l’invention”, et les dispositifs “du type de ceux en rapport avec la présente invention” des dispositifs “selon la présente invention”, tandis que le deuxième de ces deux passages porte sur les modifications apportées aux transducteurs décrits jusque là “conformément à la présente invention”).

En outre, le seul mode de réalisation du brevet contesté présentant deux cavités, à savoir le mode de réalisation selon la figure 9 qui correspond à la figure 12 des pièces de la demande telle que déposée, a un élément piézoélectrique d’excitation dans chaque cavité, l’élément détecteur étant positionné à n’importe quel endroit approprié des dents ou de l’étrier où les vibrations des dents lui feront subir une flexion (cf. colonne 9, lignes 40 à 56 du brevet en litige).

6.1.3 Par conséquent, eu égard aux modifications selon les quatrième et cinquième requêtes subsidiaires et aux arguments des parties, la question de l’admissibilité au regard de l’article 123 CBE semble s’articuler autour de deux points. Il s’agit de savoir :

– premièrement, si l’on peut se fonder sur l’ensemble de l’exposé initial pour apporter des modifications aux revendications après la délivrance, et ce même si les passages sur lesquels les modifications sont censées se fonder ont été supprimés avant la délivrance ou sont présentés dans le fascicule du brevet comme étant sans rapport avec l’invention revendiquée ; et

– deuxièmement, si les modifications pourraient se fonder sur le mode de réalisation selon la figure 9 du brevet en litige.

6.1.4 Aux termes de l’article 123 CBE, le droit du titulaire du brevet d’apporter des modifications après la délivrance est subordonné à deux conditions :

– un brevet européen ne peut être modifié de manière que son objet s’étende au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée (article 123(2) CBE) et

– au cours de la procédure d’opposition, les revendications du brevet européen ne peuvent être modifiées de façon à étendre la protection (article 123(3) CBE).

Le requérant a soutenu que les modifications selon les quatrième et cinquième requêtes subsidiaires remplissaient ces deux conditions, du fait qu’il avait été ajouté d’autres caractéristiques restrictives dans la revendication 1 du brevet tel que délivré et que ces autres caractéristiques étaient incontestablement divulguées dans les pièces de la demande telle que déposée. Selon lui, il n’y avait donc eu ni extension de la protection, ni adjonction d’éléments au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

Cet argument de forme ne tient pas compte du fait qu’en l’espèce, les nouvelles caractéristiques restrictives se fondent sur des éléments qui, avant la délivrance, avaient été supprimés de la description ou dont il était précisé dans la description qu’ils ne faisaient plus partie de l’invention revendiquée. Autrement dit, le requérant considère que les suppressions ou indications datant d’avant la délivrance n’affectent pas l’admissibilité des modifications apportées après la délivrance.

L’intimé a au contraire objecté que de telles suppressions ou indications ont en général une incidence sur le fond, en ce sens qu’elles limitent l’exposé initial à l’objet qui a été maintenu dans le fascicule du brevet, la délivrance du brevet produisant un effet irréversible (“Zäsurwirkung”), si bien qu’il n’était plus possible de réintroduire ultérieurement des éléments qui avaient été “abandonnés” avant la délivrance.

6.1.5 A la connaissance de la Chambre, il n’existe pas de décision traitant de cette question, bien qu’il y ait tout lieu de penser qu’il ne s’agit pas d’une situation extrêmement rare. Elle juge donc utile, en l’espèce, d’examiner plus à fond la question de savoir si la délivrance d’un brevet produit un effet irréversible.

6.1.6 Peu de décisions ont été rendues au sujet de l’abandon d’objets avec effet sur le fond (cf. les exemples cités dans “La Jurisprudence des Chambres de recours de l’Office européen des brevets”, troisième édition, Office européen des brevets 1999, chapitre VI, I-3.1.1). Ces décisions semblent avoir ceci de commun qu’en général, un abandon a des incidences sur le fond lorsqu’un objet particulier a été expressément abandonné et que la revendication initiale ainsi que toutes les informations fournies à l’appui de cette revendication dans le fascicule ont été entièrement supprimées (cf. par exemple deux décisions non publiées au JO OEB : T 61/85, point 11 des motifs, et T 64/85, points 2.1 à 2.3 des motifs). Dans ce cas, il n’est plus possible de rétablir l’objet qui a été abandonné.

Si l’on admet que la délivrance d’un brevet produit d’une manière générale un effet irréversible, il n’est pas nécessaire qu’un objet soit expressément abandonné avant la délivrance, si bien que, de l’avis de la Chambre, l’effet irréversible produit ne tiendrait pas directement à un “abandon” au sens strict du terme, c’est-à-dire à ce qui a été expressément déclaré, mais uniquement, de manière indirecte, à la situation juridique à ce stade de la procédure.

6.1.7 La décision T 420/86 (non publiée au JO OEB, cf. point 4 des motifs) traite brièvement, entre autres, du cas d’une requête présentée au cours d’une procédure inter partes par le titulaire du brevet en vue de faire annuler la suppression d’une caractéristique de la revendication principale initiale, suppression qui avait été effectuée avant la délivrance avec l’accord de la division d’examen. La chambre avait estimé qu’il n’était pas possible de revenir sur une telle suppression après la délivrance du brevet, car elle équivalait à un abandon. Il y avait donc lieu d’exclure tout rétablissement, à ce stade, de la caractéristique qui avait été supprimée. En conséquence, il avait été considéré que la requête n’était pas admissible, ceci pour de simples raisons de forme.

On peut donc conclure de cette décision qu’une fois le brevet délivré, les abandons datant d’avant la délivrance produisent un effet sur le fond.

Toutefois, dans la décision T 420/86, il n’est avancé aucun motif juridique à l’appui de la conclusion relative au “quasi-abandon”. En outre, cette décision étant antérieure à la décision G 7/93 rendue par la Grande Chambre de recours (JO OEB 1994, 775), il se pose la question de savoir si, lorsqu’elle avait tiré cette conclusion, la chambre concernée avait pu considérer à l’époque que l’accord donné par le demandeur sur le texte notifié conformément à la règle 51(4) CBE produisait un effet contraignant. Dans sa décision, rendue après la décision T 420/86, la Grande Chambre de recours avait en effet rejeté une telle hypothèse en déclarant que “ni l’accord du demandeur sur le texte notifié, ni la notification émise par l’OEB conformément à la règle 51(6) CBE ne “lient” le demandeur et l’OEB au véritable sens de ce mot, à savoir qu’ils seraient empêchés de modifier ultérieurement la demande. Contrairement à l’opinion du Président, telle qu’elle est exprimée dans les observations présentées à la Grande Chambre de recours, la division d’examen peut, sur requête du demandeur ou d’office, autoriser des modifications de manière discrétionnaire, avant de prendre la décision de délivrer le brevet” (cf. point 2.1 des motifs, c’est la Chambre qui souligne).

6.1.8 Par conséquent, alors que l’on ne saurait prétendre que les déclarations normales que le demandeur a faites dans le cadre de la procédure avant la délivrance, conformément à la règle 51 CBE, produisent d’une manière générale un effet irréversible, il ressort du passage susmentionné de la décision G 7/93 qu’il arrive un moment où, pour des raisons de procédure, il est produit un effet irréversible, à savoir lorsque, au dernier stade de la procédure européenne, il est pris la décision de délivrer le brevet.

Cette conclusion est en accord avec la décision G 1/84 rendue antérieurement par la Grande Chambre de recours (JO OEB 1985, 299 ; cf. point 1 des motifs) et rejoint le point de vue exprimé par de nombreux auteurs (cf. M. van Empel : The Granting of European Patents”, A. W. Sijthoff, Leyden 1975, no 542 ; R. Schulte : “Patentgesetz”, 5e édition, Carl Heymanns Verlag KG, Cologne 1994, § 49, n 16 ; F. Blumer : “Formulierung und Änderung der Patentansprüche im europäischen Patentrecht”, Carl Heymanns Verlag KG, Cologne 1998, no 17.1.1, dernier paragraphe). Elle part du point de vue formel selon lequel la délivrance d’un brevet constitue un acte officiel qui marque la fin d’une procédure administrative. Cet acte lie l’administration qui l’a accompli et le demandeur qui en accepte ce faisant les conséquences, en renonçant en vertu de ce même acte à toute autre prétention (cf. M. van Empel, loc. cit.).

Dès lors, une fois qu’il a été pris la décision de délivrer un brevet, la procédure européenne d’examen est close, et ses résultats s’imposent au demandeur et à l’OEB, en ce sens qu’il n’est plus permis d’apporter d’autres modifications (à l’exception des corrections au titre de la règle 89 CBE). S’il n’est pas formé d’opposition, le brevet européen entre alors normalement en l’état dans la phase nationale.

6.1.9 En revanche, s’il est formé une opposition auprès de l’OEB, il devient possible d’apporter de nouvelles modifications au brevet en litige. Même si de telles modifications ne sont pas laissées d’une manière générale à la discrétion du titulaire du brevet, puisque la procédure d’opposition n’est pas un simple prolongement de la procédure d’examen (cf. décision G 1/84, supra ; point 9 des motifs), le titulaire du brevet peut, conformément à la règle 57bis CBE, répondre aux objections de l’opposant en modifiant la description, les revendications et les dessins, dans la mesure où ces modifications sont apportées pour pouvoir répondre à des motifs d’opposition visés à l’article 100 CBE, même si le motif en cause n’a pas été invoqué par l’opposant. En outre, il est également permis, conformément à la règle 87 CBE, d’apporter des modifications pour tenir compte de l’existence de droits nationaux antérieurs.

De l’avis de la Chambre, ce sont ces dispositions de la CBE qui peuvent être considérées comme reflétant, au stade de l’opposition, les aspects formels d’un effet irréversible produit au niveau de la procédure par la délivrance d’un brevet. La délivrance d’un brevet ne produit pas en l’occurrence un effet irréversible général en ce sens que le brevet doit être défendu par le titulaire sous une forme non modifiée, néanmoins les seules modifications autorisées sont celles apportées pour répondre à des motifs d’opposition qui ont été soulevés ou qui risquent de l’être, ou pour tenir compte de droits nationaux antérieurs. Par conséquent, il convient au préalable de s’assurer que les restrictions imposées par les règles 57bis et 87 CBE ont été respectées avant d’examiner plus avant si du point de vue du fond, il a pu être produit un effet irréversible affectant les modifications après la délivrance, dans le cadre de la procédure d’opposition.

6.1.10 La Chambre estime qu’un tel effet irréversible du point de vue du fond ne pourrait se fonder que sur l’article 123(3) CBE.

L’article 123(3) CBE ne vise expressément que les revendications d’un brevet européen, et l’on pourrait considérer que tel qu’il est libellé, il signifie que les modifications apportées après la délivrance à la description et aux dessins d’un brevet européen ne sont quant à elles subordonnées à aucune restriction.

Toutefois dans la doctrine il semble que les auteurs s’accordent à reconnaître que cette disposition devrait être interprétée au sens large, eu égard à sa finalité et à son lien avec les articles 69 et 138 CBE (cf. par ex. G. Paterson : “The European Patent System”, Sweet and Maxwell, Londres 1992, paragraphes 5 à 40 ; R. Schulte : “Patentgesetz”, 5e édition, Carl Heymanns Verlag KG, Cologne 1994, § 22, nos 4 à 9 ; R. Singer et al. : “The European Patent Convention”, Revised English (1995) edition, Sweet & Maxwell, Londres 1995, article 123.10 D ; F. Blumer : “Formulierung und Änderung der Patentansprüche im europäischen Patentrecht”, Carl Heymanns Verlag KG, Cologne 1998, n 17.1.5.1).

Pour respecter la finalité générale de l’article 123(3) CBE, il convient de garantir la sécurité juridique s’agissant des activités exercées par des tiers qui considèrent en toute bonne foi que la portée d’un brevet peut uniquement être restreinte, mais pas étendue. En outre, l’étendue de la protection étant déterminée, en vertu de l’article 69(1) CBE, par la teneur des revendications, compte dûment tenu de la description et des dessins, il convient également de veiller à ce que des modifications apportées à la description et aux dessins n’entraînent pas une extension de la protection conférée. Ces principes ont été confirmés par la jurisprudence de la Grande Chambre de recours (cf. décision G 2/88, JO OEB 1990, 93, point 4 des motifs, et G 1/93, JO OEB 1994, 541, point 11 des motifs). De surcroît, en vertu du droit national, toute extension de la protection conférée par un brevet européen peut être invoquée comme cause de nullité en vertu de l’article 138(1)d) CBE.

Le principe directeur que recouvre l’article 123(3) CBE peut donc se résumer comme suit : “une fois qu’un brevet européen a été délivré, un acte d’un tiers qui ne constituerait pas une contrefaçon du brevet tel que délivré ne doit pas pouvoir devenir un acte de contrefaçon du fait d’une modification apportée après la délivrance” (cf. G. Paterson, loc. cit.).

6.1.11 Il est d’une importance fondamentale, au regard des articles 84 et 69 CBE, d’adapter la description et les dessins pour tenir compte du texte des revendications modifiées dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet, de manière à ce que les revendications soient en accord avec la description de l’invention, qu’il s’agisse du fondement sur la description ou de l’étendue de la protection (cf. par exemple la décision T 977/94, non publiée au JO OEB, point 6.1 des motifs).

Par conséquent, les suppressions effectuées avant la délivrance tiennent généralement au fait que les passages supprimés de la divulgation initiale portent sur des éléments qui ne correspondent plus au libellé des revendications du brevet à délivrer, étant par exemple en contradiction avec la protection recherchée par les revendications. De même, il n’est pas recherché de protection pour des éléments contradictoires dont il est précisé clairement dans le fascicule du brevet qu’ils sont sans rapport avec l’invention. Plutôt que de supprimer certains passages, il est possible de procéder à une telle adaptation de la description, si ces suppressions devaient nuire à l’intelligibilité de l’objet maintenu dans la divulgation.

6.1.12 Il convient donc de conclure que dans le cas où l’on rétablit des caractéristiques qui, pour éviter toute incohérence dans le fascicule du brevet, avaient été supprimées des pièces avant la délivrance ou dont il avait été précisé qu’elles n’avaient plus de rapport avec l’invention revendiquée, l’étendue de la protection conférée par le brevet se trouvera généralement affectée par ce rétablissement, que ces caractéristiques soient introduites dans les revendications ou rétablies dans la description du brevet. Ce serait nécessairement le cas si le principe susmentionné était appliqué, puisqu’un tiers qui se fonderait sur des éléments contradictoires non couverts par le brevet délivré aurait affaire, si les éléments en question étaient réintroduits, à une extension de la protection conférée, qui risquerait de ce fait de le placer en situation de contrefacteur du brevet, alors que cette possibilité était auparavant exclue.

En conséquence, en vertu de l’article 123(3) CBE, il ne devrait en règle générale pas être autorisé après la délivrance de rétablir des éléments qui, eu égard aux articles 84 et 69 CBE, avaient été supprimés ou dont il avait été précisé avant la délivrance qu’ils n’avaient plus de rapport avec l’invention, ceci afin d’éviter des incohérences dans le fascicule de brevet. La Chambre conclut donc qu’il est à prévoir que de telles suppressions ou indications datant d’avant la délivrance produiront un effet irréversible du fait qu’en vertu de l’article 123(3) CBE, elles auront des incidences sur le fond, après la délivrance.

6.1.13 Dans la présente affaire, la demande a été limitée avant la délivrance à un moyen d’excitation situé dans une cavité dans l’étrier. Tous les passages contradictoires relatifs à la variante initiale consistant à placer le moyen d’excitation dans des cavités situées dans les dents ont été fort justement supprimés des pièces sur la base desquelles il était envisagé de délivrer le brevet ou, lorsqu’il ne convenait pas de supprimer certains passages pour des raisons d’intelligibilité du texte, il a été précisé dans le fascicule du brevet qu’ils n’avaient plus de rapport avec l’invention revendiquée. Ceci vaut en particulier pour les passages sur lesquels devront se fonder, de l’avis du requérant, les modifications selon les quatrième et cinquième requêtes subsidiaires.

La Chambre estime donc que considéré à la lumière du fascicule du brevet et des dessins (cf. figures 8 et 9 qui représentent les seuls modes de réalisation de l’invention maintenus dans le brevet tel que délivré), l’objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré a été limité avant la délivrance à l’excitation symétrique de deux dents par le moyen d’excitation monté dans l’étrier. Par conséquent, l’homme du métier ne considérerait pas que le brevet en litige couvre encore l’excitation d’une seule dent, qui était mentionnée d’une manière générale dans les pièces initiales de la demande comme une variante possible dans le cas où les éléments piézoélectriques sont situés dans les dents.

6.1.14 Bien que, pour satisfaire aux conditions requises pour la brevetabilité à l’article 100 a) CBE, l’objet de la revendication 1 selon les quatrième et cinquième requêtes subsidiaires ait été formellement limité par l’introduction des caractéristiques relatives aux deux cavités dans l’étrier, le fait que les revendications correspondantes couvrent à nouveau la possibilité de l’excitation d’une seule dent étend du même coup la protection conférée par le brevet contesté, puisque considéré dans son ensemble, le brevet tel que délivré ne couvrait plus cette possibilité.

La situation est donc différente en l’occurrence de celle dont il s’agissait dans la décision T 673/89 (non publiée au JO OEB ; cf. point 3.1.2 des motifs), puisque dans cette affaire il ne ressortait en aucune façon du dossier qu’il convenait d’exclure de l’étendue de la protection une autre possibilité qui figurait encore dans le fascicule du brevet.

Par conséquent, eu égard aux effets juridiques attachés à la délivrance d’un brevet européen en vertu de l’article 123(3) CBE, la Chambre estime qu’il ne peut être autorisé d’apporter des modifications après la délivrance en se fondant sur les éléments initiaux qui avaient été “abandonnés” en l’occurrence avant la délivrance, ayant été supprimés ou ayant fait l’objet dans les pièces initiales de la demande d’une déclaration expresse comme quoi ils étaient sans rapport avec l’invention.

6.1.15 En outre, contrairement à ce qu’estime le requérant, ces modifications ne sauraient, en vertu de l’article 123(2) CBE, se fonder sur les pièces de la demande telle que déposée. Le seul mode de réalisation divulguant deux cavités dans l’étrier est celui qui est illustré par la figure 12 du fascicule de la demande publiée, qui correspond à la figure 9 du brevet en litige. Un élément piézoélectrique d’excitation 840, 841 est prévu dans chaque cavité. De l’avis de la Chambre, il n’est pas indiqué sans équivoque dans la divulgation initiale que selon ce mode de réalisation particulier, une cavité pourrait être vide ou contenir un élément détecteur piézoélectrique, ou que les généralisations revendiquées découlent implicitement de ladite figure et de la description qui lui correspond.

Cela n’a même pas été allégué par le requérant, qui a mentionné à ce propos des variantes de conception évidentes pour l’homme du métier qui ferait appel à ses connaissances générales. Toutefois, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, ce n’est pas parce qu’une caractéristique est évidente qu’elle peut être substituée à une caractéristique initiale.

Enfin, la décision T 187/91 (JO OEB 1994, 572) citée par le requérant n’est pas applicable en l’espèce, car elle porte sur l’admissibilité d’un exemple particulier à l’intérieur d’une divulgation générique, alors qu’il s’agit dans la présente affaire de l’admissibilité d’une généralisation de la divulgation spécifique des figures 12 et 9.

6.1.16 Il ne saurait donc être fait droit aux quatrième et cinquième requêtes subsidiaires (article 123 CBE).

7. Sixième requête subsidiaire

7.1 Admissibilité et clarté des modifications

L’objet de la revendication 1 selon la sixième requête subsidiaire a été encore restreint par rapport à l’objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré, dans la mesure où l’étrier a deux cavités et où le moyen piézoélectrique d’excitation comprend deux éléments piézoélectriques montés chacun dans une cavité.

Comme indiqué plus haut (cf. point 6.1.2), un transducteur pour fluide de ce type est divulgué dans la figure 9 et à la colonne 9, lignes 40 à 51 du brevet en litige, correspondant respectivement à la figure 12 et à la colonne 10, lignes 32 à 43 des pièces de la demande telle que déposée.

La Chambre estime donc que la revendication 1 selon la sixième requête subsidiaire n’appelle aucune objection au regard des articles 123 et 84 CBE. L’intimé n’a soulevé lui non plus aucune objection à cet égard.

7.2 Brevetabilité

7.2.1 L’objet de la revendication 1 selon la sixième requête subsidiaire diffère du document le plus pertinent, à savoir le document B, par les nouvelles caractéristiques qui ont été introduites. Dans l’état de la technique le plus proche il n’y a qu’une seule “cavité” 14 dans l'”étrier” 10 (cf. document B, figure 3) où le moyen piézoélectrique d’excitation 65 est monté (cf. document B, figure 6). Bien que le moyen d’excitation puisse se composer de deux éléments piézoélectriques 59 et 61, ceux-ci sont connectés électriquement en parallèle et mécaniquement en série afin d’accroître la déformation mécanique de la portion libre du diaphragme 21 situé entre les extrémités des dents 22 et 23.

Les autres documents de l’état de la technique, qui sont moins pertinents, ne divulguent pas non plus les caractéristiques susmentionnées. L’objet revendiqué répond donc à l’exigence de nouveauté (article 54 CBE).

7.2.2 Ainsi qu’il ressort de la figure 9 du brevet en litige, et comme l’avait fait valoir le requérant, la présence de deux cavités dans l’étrier à proximité des dents permet une construction entièrement différente du système de vibration : chaque dent est excitée séparément, et il est possible d’éviter que l’on ait un diaphragme flexible risquant d’être affecté par des changements dans la pression externe. On peut donc considérer que comparé à l’état de la technique le plus proche, le problème technique résolu par l’objet revendiqué consiste à éliminer les effets de la pression externe sur la précision de mesure du transducteur (à cet égard, cf. également la colonne 7, lignes 21 à 30 du brevet en litige).

7.2.3 Etant donné que l’état de la technique connu à ce jour est muet sur ce problème et ne fournit pas la moindre indication pour le résoudre, la Chambre a acquis la conviction que l’objet revendiqué implique une activité inventive, comme l’exige l’article 56 CBE.

7.2.4 En conséquence, le texte modifié de la revendication 1 selon la sixième requête subsidiaire doit être considéré comme acceptable.

Les revendications dépendantes 2 à 8 qui ont été adaptées compte tenu du libellé de la revendication 1 et qui portent sur des modes de réalisation préférés de l’objet revendiqué sont également acceptables.

7.3 Description et dessins

Bien que le requérant ait également produit des modifications de la description au cours de la procédure orale, la Chambre, usant du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 111(1) CBE, juge bon dans ces conditions de renvoyer l’affaire à la première instance, à charge pour celle-ci de poursuivre la procédure. Eu égard aux conclusions énoncées au point 6 supra, il convient d’adapter soigneusement la description et les dessins compte tenu de l’objet plus restreint qui est désormais revendiqué, afin qu’ils soient parfaitement en accord avec la revendication 1 modifiée.

Dans ce contexte, la première instance devrait examiner en particulier si le mode de réalisation illustré par la figure 8 du brevet contesté, qui n’est plus couvert par la revendication 1 modifiée, doit être supprimé du fascicule du brevet ou maintenu sous une forme modifiée, étant précisé qu’il ne fait pas partie de l’invention.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision contestée est annulée.

2. L’affaire est renvoyée à la première instance, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet sur la base des revendications énumérées ci-après, ainsi que de la description et des dessins, à adapter compte tenu desdites revendications, à savoir les revendications 1 à 8 selon la sixième requête subsidiaire produite au cours de la procédure orale.