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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2002:T069401.20020704 | ||||||||
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Date de la décision : | 04 Juillet 2002 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 0694/01 | ||||||||
Numéro de la demande : | 88303744.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | G01N 33/543 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | UNILEVER N. V. | ||||||||
Nom de l’opposant : | (01) VEDALAB (02) Carter-Wallace Inc. (03) GENZYME CORPORATION (04) Andrea von Preen (05) Int. Mycoplasma (06) Technical Chemicals & Products Inc. (08) ORAMON Arzneimittel GmbH (09) Pharma Peter (10) ulti med Products (Deutschland) (11) Cardimac Gesellschaft für Diagnostische Schnellteste mbH |
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Chambre : | 3.3.04 | ||||||||
Sommaire : | Une intervention dépend de la mesure dans laquelle la procédure de recours sur opposition est encore en instance. Lorsqu’une chambre a décidé de maintenir le brevet sur la base d’un jeu donné de revendications et d’une description à adapter en conséquence, une partie qui intervient dans une procédure de recours ultérieure ayant uniquement pour objet la question de l’adaptation de la description ne peut remettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée à la décision antérieure de la chambre, et ce indépendamment de la question de savoir si un nouveau motif d’opposition est introduit. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Intervention au cours d’une procédure de recours en instance – recevabilité (oui) Nouveau motif d’opposition – non valable Etendue du recours limitée à l’adaptation de la description Revendications – autorité de la chose jugée |
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Exergue : |
– |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Les opposants 01 et 10 (requérants I et II) ont formé un recours contre la décision intermédiaire de la division d’opposition en date du 24 avril 2001, par laquelle le brevet européen n° 0 291 194 a été maintenu sous une forme modifiée sur la base des revendications selon la requête principale produite le 27 janvier 2000 par l’intimé et des pages modifiées de la description déposées à titre subsidiaire par lettre du 14 février 2001.
II. Dans la décision rendue le 27 janvier 2000 dans l’affaire T 681/98 (ci-après dénommée “décision du 27 janvier 2000”), où six parties avaient introduit un recours contre la décision de la division d’opposition de rejeter les oppositions formées à l’encontre du brevet litigieux sur le fondement de l’article 100a) CBE, la chambre avait annulé la décision contestée et renvoyé l’affaire à la première instance, avec ordre de maintenir le brevet sur la base de la requête principale produite par l’intimé lors de la procédure orale du 27 janvier 2000 et d’une description à adapter en conséquence.
La revendication 1 de ladite requête s’énonce comme suit :
“Un appareil de test d’analyse comprenant un support de réaction poreux et sec (10), un réactif de liaison non marqué spécifique à la substance à analyser, ledit réactif non marqué étant immobilisé en permanence dans une zone de détection (14) du support de réaction poreux et ne pouvant donc pas se déplacer lorsque ce dernier est à l’état humide, et à l’état sec dans une zone (12) en amont de la zone de détection un réactif de liaison marqué spécifique à la même substance à analyser, ledit réactif de liaison marqué spécifique étant libre de se déplacer à l’intérieur du support de réaction poreux lorsque celui-ci est à l’état humide, de telle sorte que l’échantillon de liquide appliqué sur l’appareil peut fixer le réactif marqué et ensuite pénétrer dans la zone de détection, caractérisé en ce que le support de réaction poreux et le réactif de liaison marqué spécifique sont contenus dans un boîtier creux (30) fabriqué en matériau solide imperméable à l’humidité, le support de réaction poreux communique directement ou indirectement avec l’extérieur du boîtier de telle sorte qu’on puisse appliquer un échantillon de test liquide sur le support de réaction poreux, le boîtier contient des moyens (32) permettant d’observer (si et) dans quelle mesure le réactif marqué se lie dans la zone de détection, le marqueur est un marqueur direct particulaire, le réactif marqué est contenu dans une première zone (12) du support de réaction poreux et sec, et en ce que le réactif non marqué est immobilisé dans une zone de détection qui est spatialement distincte de la première zone, les deux zones étant disposées de telle sorte que l’échantillon de liquide appliqué sur le support de réaction poreux puisse pénétrer dans la zone de détection via la première zone.
Les revendications dépendantes 2 à 21 concernent des modes de réalisation particuliers de l’appareil de test, tandis que la revendication 22 a pour objet une méthode d’utilisation de cet appareil.
III. Les requérants ont présenté leurs arguments dans le mémoire exposant les motifs du recours.
IV. La société CARDIMAC GESELLSCHAFT FÜR DIAGNOSTISCHE SCHNELLTESTE mbH (intervenant/opposant 11), qui s’est vu signifier le 20 août 2001 l’acte introductif de l’instance en contrefaçon engagée à l’encontre du brevet européen n° 0 291 194, a présenté le 13 novembre 2001 une déclaration écrite et motivée d’intervention en vertu de l’article 105 CBE, tout en acquittant la taxe d’opposition et la taxe de recours. Elle a demandé la révocation du brevet en ce qui concerne les revendications 1 à 16 et 19 à 23 pour insuffisance d’exposé de l’invention (articles 83 et 100b) CBE).
V. Par notification en date du 12 mars 2002, la Chambre a convoqué les parties à une procédure orale. Dans la notification jointe à la citation, elle a présenté son avis préliminaire sur l’intervention et évoqué la possibilité de soumettre des questions à la Grande Chambre de recours. Ces questions s’énoncent comme suit :
1. Une intervention remplissant par ailleurs les conditions prévues à l’article 105 CBE est-elle recevable lorsque la chambre de recours, dans une procédure de recours sur opposition, a déjà statué sur le texte des revendications et que la seule question restant en instance est l’adaptation de la description ?
2. Dans l’affirmative, l’intervenant peut-il contester le texte des revendications sur lequel la chambre a déjà statué
en invoquant un nouveau motif d’opposition,
ou l’intervention doit-elle se limiter à la question de la description à adapter ?
3. Un tiers qui intervient dans une procédure d’opposition devant la chambre de recours acquiert-il la qualité de requérant indépendant s’il acquitte la taxe d’opposition et, en plus, la taxe de recours prévue à l’article 108 CBE ?
VI. Le 21 mars 2002, l’intimé (titulaire du brevet) a produit une réponse au mémoire exposant les motifs du recours des requérants.
VII. Le 4 juin 2002, l’intimé ainsi que les requérants I et II ont pris position sur l’intervention et/ou le bien-fondé du recours. Le 30 juin 2002, l’intervenant a présenté ses observations sur les arguments de l’intimé.
VIII. La procédure orale a eu lieu le 4 juillet 2002.
IX. S’agissant de l’intervention, les requérants ont essentiellement fait valoir qu’elle était recevable dans la mesure où aucune décision finale n’avait encore été rendue dans la procédure d’opposition, laquelle était donc encore en instance conformément à la décision G 1/94 (JO OEB 1994, 787). Selon cette décision, les retards résultant d’une intervention ne justifient pas de considérer une intervention comme irrecevable. Il faut en outre garder à l’esprit que c’est l’intimé lui-même qui, en engageant une action en contrefaçon, est à l’origine de l’intervention. L’adaptation de la description n’est pas une question secondaire, dans la mesure où la description joue un rôle considérable lorsqu’une juridiction nationale est appelée à interpréter l’étendue de la protection conférée par un brevet en vertu des articles 84 et 69 CBE. On ne saurait donc interdire à l’intervenant de présenter toutes ses objections. Les principes énoncés dans la décision G 1/94 (supra) sont applicables en l’espèce, ce qui signifie que l’OEB est tenu d’examiner également le nouveau motif d’opposition. L’autorité de la chose jugée attachée à la décision du 27 janvier 2000 ne fait pas obstacle à l’examen de ce motif, étant donné que l’intervenant n’était pas partie à cette procédure et que le renvoi donne lieu à une “nouvelle” procédure dans laquelle l’autorité de la chose jugée de la demande antérieure ne joue pas. Enfin, en acquittant la taxe de recours, l’intervenant a acquis la qualité de partie indépendamment des autres requérants.
Le requérant I a en outre demandé que la Grande Chambre de recours soit saisie des questions de droit soulevées par la Chambre dans sa notification du 12 mars 2002.
L’intervenant a quant à lui soutenu à ce propos que le délai d’intervention prévu à l’article 105 CBE avait été observé, étant donné que l’acte introductif de l’instance en contrefaçon lui avait été signifié le 20 août 2001. En l’espèce, c’est le droit procédural allemand qui détermine ce qu’il faut entendre par introduction d’une instance au sens de l’article 105 CBE. En vertu de l’article 253 du code de procédure civile allemand (Zivilprozeßordnung, ZPO), l’instance est réputée introduite avec la signification.
Conformément à la décision G 1/94 (supra), l’intervenant est en droit d’invoquer un nouveau motif d’opposition au titre de l’article 100b) CBE. Selon lui, le brevet européen doit être révoqué dans son intégralité, car les revendications 1 à 16 et 19 à 23 n’exposent pas l’invention de façon suffisamment claire pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter. Par conséquent, la Chambre doit suspendre la procédure de recours et renvoyer l’affaire à l’instance du premier degré afin que celle-ci examine le nouveau motif d’opposition. Dans la décision G 1/94 (supra), l’article 105 CBE est interprété en ce sens qu’une partie assignée en contrefaçon doit avoir la possibilité de faire réexaminer la brevetabilité de l’invention qui fait l’objet du brevet en cause, précisément parce qu’elle ne peut pas introduire une action nationale en nullité à l’encontre du brevet étant donné que la procédure d’opposition est encore en instance. L’intervenant a en outre estimé que, conformément à la décision G 1/94 (supra), l’autorité de la chose jugée de la décision du 27 janvier 2000 ne saurait lui être opposée, dans la mesure où il n’avait pas été partie à cette procédure et qu’il se fondait sur un nouveau motif d’opposition.
L’intervenant a acquitté la taxe de recours afin d’obtenir la qualité de partie indépendamment des autres requérants. Il a décidé, pour des motifs soigneusement pesés, de renoncer à son droit de demander le remboursement de cette taxe.
L’intervenant a également demandé que les questions de droit soulevées par la Chambre dans sa notification du 12 mars 2002 soient soumises à la Grande Chambre de recours.
S’agissant de l’adaptation de la description, les requérants et l’intervenant ont pour l’essentiel fait valoir qu’il ressort clairement du libellé de la revendication 1, telle qu’admise dans la décision du 27 janvier 2000, et des motifs de la décision que l’appareil de test est un appareil à “une étape” et que le support de réaction poreux est constitué d’une seule pièce dans laquelle sont disposés le réactif de liaison marqué spécifique ainsi que le réactif non marqué spécifique, et sur laquelle est déposée l’échantillon de liquide (cf. les expressions “un support de réaction poreux et sec”, “sur le support de réaction poreux”, “à l’intérieur du support de réaction poreux”, “le support de réaction poreux” et ” le support de réaction poreux et sec” dans la revendication 1, ainsi que les expressions “la membrane du support” et “la même matrice” aux points 10 et 13 des motifs de la décision du 27 janvier 2000 (c’est la Chambre qui souligne)).
Selon eux, ces limitations appellent la suppression et/ou la modification d’un certain nombre de passages dans la description qui ne sont pas conformes aux revendications telles qu’admises et à la ratio decidendi de la décision de la chambre du fait qu’ils se rapportent à la possibilité de réaliser le support en plusieurs pièces. S’ils n’étaient pas supprimés, ces passages pourraient donner lieu, dans des procédures nationales ultérieures, à une interprétation différente des revendications. En particulier, les requérants et l’intervenant ont déclaré que les modes de réalisation 3 et 4, et par conséquent les figures 8 à 10 correspondantes, devaient être supprimés, car ils se réfèrent à deux supports poreux et ne représentent pas une situation de flux ininterrompu. De plus, le document 6 (WO-A-86/03839), qui constitue l’état de la technique le plus proche de l’objet revendiqué, n’est pas suffisamment pris en compte.
X. En ce qui concerne l’intervention, l’intimé a considéré qu’elle était irrecevable au motif que la déclaration d’intervention n’a pas été présentée dans le délai de trois mois prévu à l’article 105 CBE. Selon lui, le délai a commencé à courir à la date à laquelle l’acte introductif de l’instance en contrefaçon a été déposé auprès du tribunal, et non à la date à laquelle il a été signifié à l’intervenant. L’article 105 CBE doit être interprété sur la base de la seule Convention, et non du droit national. Son texte porte uniquement sur l’introduction d’une procédure, et non sur la signification. Etant donné que l’introduction d’une procédure est définie différemment dans les droits procéduraux nationaux, la notion de “signification” revêtirait elle aussi un sens différent en relation avec l’article 105 CBE, ce qui est inacceptable dans l’intérêt d’une application uniforme du droit. En outre, lorsque l’on applique le droit procédural allemand, il faut tenir compte de l’article 270(3) ZPO, qui prévoit qu’un délai est respecté dès que l’acte introductif d’instance est déposé auprès d’une juridiction, à condition que la signification soit effectuée immédiatement. En conséquence, même en application du droit procédural allemand, l’intervention est tardive et donc irrecevable.
L’intervention est également irrecevable du fait que les motifs invoqués sont contraires à l’autorité de la chose jugée de la décision du 27 janvier 2000, qui a maintenu le brevet avec une portée modifiée et donné à la division d’opposition l’instruction claire et contraignante d’adapter uniquement le texte de la description aux revendications telles qu’admises. L’intérêt de l’intimé à ce que la procédure soit rapidement close, la confiance du public dans l’autorité de la chose jugée acquise par une décision afférente aux revendications et la situation procédurale compliquée que l’intervention est susceptible d’occasionner sont autant de raisons décisives de considérer une intervention fondée sur un nouveau motif d’opposition comme un abus de procédure. L’intervenant a contesté les revendications du brevet tel que délivré (publié le 16 février 1994), alors que les requérants se sont basés sur les revendications telles que modifiées conformément à la décision de la chambre en date du 27 janvier 2000. Si l’intervention était jugée recevable, on ne saurait pas quelle serait l’instance compétente pour statuer sur quoi et comment. Etant donné que dans nombre de procédures de contrefaçon nationales, la juridiction compétente attend l’issue de la procédure d’opposition européenne, l’autorité de la chose jugée d’une décision de la chambre de recours serait considérablement restreinte si une intervention était jugée recevable à un stade aussi tardif de la procédure. En outre, cela exposerait les brevets européens au sabotage.
En ce qui concerne l’adaptation de la description, l’intimé a allégué qu’il n’était pas possible de déduire du libellé de la revendication 1 que le support de réaction poreux était constitué d’une seule pièce, et que la décision du 27 janvier 2000 ne contenait pas le moindre élément à l’appui d’une telle interprétation. Selon lui, seul importe que le support contenu dans le boîtier, et ce qu’il soit constitué d’une ou de plusieurs pièces, soit poreux afin de garantir un flux ininterrompu. Il n’est donc pas nécessaire d’apporter à la description d’autres modifications que celles qui ont déjà été admises par la division d’opposition.
XI. Le requérant I a demandé l’annulation de la décision contestée et la révocation du brevet ou, à titre subsidiaire, que les questions de droit qu’il a soulevées dans ses écritures du 4 juin 2002 soient soumises à la Grande Chambre de recours.
Le requérant II a demandé l’annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L’intervenant a demandé l’annulation de la décision contestée et la révocation du brevet ou, à titre subsidiaire, le renvoi de l’affaire en première instance afin de poursuivre la procédure sur la base du nouveau motif d’opposition (article 83 CBE) ou, plus subsidiairement, la saisine de la Grande Chambre de recours des questions de droit soulevées par le requérant I.
L’intimé a demandé le rejet des recours et de l’intervention ainsi que le maintien du brevet.
Motifs de la décision
Recevabilité
1. Les recours formés par les requérants I et II répondent aux conditions énoncées aux articles 106 à 108, ainsi qu’aux règles 1(1) et 64 CBE ; ils sont donc recevables.
2. La recevabilité de l’intervention est régie par l’article 105 CBE.
2.1 Conformément à l’article 105(1), première phrase CBE, une personne qui apporte la preuve qu’une action en contrefaçon du brevet a été introduite à son encontre peut intervenir dans la procédure d’opposition en instance devant l’OEB en tant que nouvelle partie à la procédure, même après l’expiration du délai d’opposition de neuf mois (article 99(1) CBE), à condition qu’elle produise une déclaration d’intervention dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’action en contrefaçon a été introduite.
Par conséquent, la première question à examiner en l’espèce est de savoir si les conditions relatives au point de départ du délai sont remplies et si la déclaration d’intervention a été présentée dans un délai de trois mois.
2.2 L’intimé ne conteste pas qu’une action en contrefaçon a été introduite à l’encontre de l’intervenant, mais fait valoir qu’elle l’a été le 2 août 2001 lorsque l’acte introductif d’instance a été déposé auprès du tribunal régional de Düsseldorf (Allemagne). Par conséquent, le délai de trois mois prévu à l’article 105(1) CBE est venu à expiration le 2 novembre 2001, alors que la déclaration d’intervention a été présentée le 13 novembre 2001 seulement, lorsque l’intervenant a produit les pièces à cet effet auprès de l’OEB. L’intervention est donc irrecevable.
2.3 L’article 105(1), première phrase CBE ne précise pas à quelle date une action en contrefaçon est réputée introduite. Une telle action ne pouvant être engagée qu’auprès des juridictions nationales, cette date est fixée, même si le texte de l’article 105 CBE ne le prévoit pas explicitement, par référence au droit procédural national correpondant, soit, en l’espèce, au code de procédure civile allemand (ci-après dénommé “DE-ZPO”).
En vertu de l’article 253 DE-ZPO, l’instance est introduite par la signification au défendeur de l’acte introductif d’instance, et non pas lorsque celui-ci est déposé auprès d’une juridiction donnée. L’article 270(3) DE-ZPO dispose quant à lui que si, par l’introduction d’une instance, un délai doit être observé ou un délai de prescription doit être interrompu, cet effet se produit dès le dépôt de l’acte introductif d’instance, à condition que celui-ci soit signifié immédiatement. Cette disposition vise à protéger le demandeur contre les inconvénients, sur lesquels il n’a aucune influence, qui pourraient résulter de tout retard dans la signification par la juridiction. Par conséquent, contrairement à l’avis de l’intimé, l’effet rétroactif prévu à l’article 270(3) DE-ZPO ne peut pas s’appliquer pour déterminer le point de départ du délai prévu à l’article 105(1) CBE, puisque la signification de l’acte introductif d’instance vise non pas à respecter un délai pour le demandeur dans la procédure d’opposition devant l’OEB, mais à marquer le début d’un délai pour l’intervenant.
Même si l’on interprète l’article 105(1), première phrase CBE sans faire référence au droit national (interprétation autonome de la Convention), la signification de l’acte introductif de l’instance en contrefaçon doit constituer le point de départ du délai, étant donné que la personne à laquelle un délai est octroyé doit savoir à quelle date celui-ci commence à courir. C’est ce qui découle clairement de l’article 105(1) CBE qui prévoit que l’intervenant doit apporter la preuve qu’une procédure en contrefaçon a été introduite à son encontre. Or, il ne peut apporter cette preuve qu’une fois qu’il a eu connaissance de l’engagement d’une telle procédure. La Chambre ne voit aucune raison d’interpréter différemment le point de départ du délai selon l’article 105 CBE lorsqu’elle compare le texte anglais de cette disposition “infringement proceedings were instituted” avec les versions allemande et française “Klage wegen Verletzung dieses Patents” et “l’action en contrefaçon a été introduite”. Elle ne juge pas davantage nécessaire d’établir si, en droit procédural, l’introduction d’une action en contrefaçon dépend dans tous les Etats parties à la CBE de la signification de l’acte introductif d’instance au défendeur. Si le droit procédural devait diverger sur ce point dans un Etat donné, une interprétation conforme à la Convention suppose en tout état de cause que le délai prévu à l’article 105(1) CBE commence à courir à compter de la signification de l’acte introductif d’instance ou tout du moins à la date à laquelle le défendeur a pris connaissance de l’engagement de la procédure.
Pour toutes ces raisons, la Chambre estime donc que le point de départ du délai prévu à l’article 105(1) CBE est déterminé par la signification de l’acte introductif de l’instance en contrefaçon (cf. également décision T 296/93, point 2.7 des motifs, JO OEB 1995, 633).
2.4 L’intervenant a prouvé que l’acte introductif d’instance lui a été signifié le 20 août 2001 en produisant les pièces correspondantes qui lui avaient été envoyées par la juridiction ainsi que l’avis postal précisant l’heure à laquelle ces pièces avaient été remises. Par conséquent, le délai de trois mois prévu à l’article 105 CBE expirait le 20 novembre 2001. Aussi la déclaration d’intervention produite auprès de l’OEB le 13 novembre 2001 a-t-elle été présentée dans les délais.
2.5 L’intervenant a suffisamment motivé son intervention au regard de la règle 55 CBE, et a notamment précisé, en application de la lettre c de cette disposition, les faits et justifications invoqués à l’appui du motif d’opposition qu’il soulève sur la base des dispositions combinées des articles 100b) et 83 CBE.
En même temps que la taxe d’opposition, l’intervenant a acquitté une taxe de recours afin de devenir partie à la procédure indépendamment des autres requérants. Il n’y avait donc pas lieu de déterminer, aux fins d’établir si l’intervention est recevable, s’il fallait acquitter une taxe d’opposition et une taxe de recours, étant donné que cette condition était remplie de toute façon.
En résumé, l’intervention remplit les autres conditions prévues à l’article 105(2) CBE concernant la forme écrite et la motivation de l’intervention ainsi que le paiement d’une taxe d’opposition dans les délais.
2.6 L’intimé considère quant à lui que l’intervention est irrecevable, l’intervenant s’étant fondé sur le motif d’opposition visé à l’article 100b) ensemble l’article 83 CBE. Or, ce motif ne faisait pas l’objet de la procédure de recours avant l’intervention. L’intervenant ne peut donc plus l’introduire dans la procédure, car le texte définitif et contraignant des revendications a déjà été arrêté dans la décision de la chambre du 27 janvier 2000. Cette décision étant revêtue de l’autorité de la chose jugée, il n’est pas possible d’examiner les revendications sur la base d’un nouveau motif d’opposition.
2.7 L’intervenant s’est référé à la décision G 1/94 (supra), dans laquelle la Grande Chambre de recours avait déclaré que l’intervention au titre de l’article 105 CBE du contrefacteur présumé était recevable même si elle était formée au cours d’une procédure de recours en instance, et qu’elle pouvait être fondée sur tout motif d’opposition prévu à l’article 100 CBE. Selon cette décision, l’expression “procédure d’opposition” employée à l’article 105 CBE doit être interprétée comme recouvrant également la “procédure de recours”. Pour des raisons d’équité et d’efficacité procédurale, l’intervenant doit avoir la faculté de soulever de nouveaux motifs d’opposition, faute de quoi l’intervention n’aurait pas de sens. La finalité de l’intervention est en effet de donner le plus tôt possible au contrefacteur présumé la possibilité de se défendre avec tous les moyens disponibles.
2.8 Toutefois, les faits à la base de la décision G 1/94 (supra) diffèrent de ceux de la présente espèce. En effet, dans l’affaire G 1/94, l’intervention avait été effectuée au cours d’une procédure de recours qui portait sur la décision de la division d’opposition de rejeter l’opposition dans son intégralité et qui avait donc pour objet le texte des revendications sur lequel la division d’opposition avait statué. Dans la présente affaire en revanche, les recours sont dirigés contre une décision de la division d’opposition qui porte uniquement sur l’adaptation de la description, le libellé des revendications ayant déjà été arrêté par la chambre de recours dans sa décision du 27 janvier 2000.
La décision de renvoyer une affaire à la division d’opposition avec ordre de maintenir le brevet sur la base des revendications modifiées est contraignante, en ce sens que ni le texte des revendications, ni la brevetabilité de leur objet ne peuvent à nouveau être contestés dans une procédure ultérieure devant l’OEB. Il en va de même pour toute constatation de fait sur laquelle est fondée la décision, à savoir toute constatation qui représente le soutien nécessaire de la décision. Une telle constatation de fait n’est donc pas susceptible d’étre réexaminée en vertu de l’article 111(2) CBE (T 843/91, JO OEB 1994, 832).
Par conséquent, la décision du 27 janvier 2000 relative au libellé des revendications s’imposait à la division d’opposition (article 111(2) CBE). Le renvoi avait uniquement pour objet l’adaptation de la description aux revendications modifiées. Dans la décision qu’elle a rendue le 24 avril 2001 sur l’adaptation de la description, la division d’opposition a également mentionné dans le dispositif le texte des revendications telles que maintenues par la décision du 27 janvier 2000. Cela n’a toutefois qu’un effet déclaratoire et n’a aucune incidence sur l’autorité de la chose jugée de la décision du 27 janvier 2000. Le texte des revendications ne fait pas à nouveau l’objet de la procédure de recours fondée sur les recours des requérants I et II, étant donné qu’il n’est pas (de nouveau) statué au fond sur cette question dans la décision contestée, celle-ci se bornant à mettre en oeuvre le dispositif de la décision du 27 janvier 2000.
Le renvoi d’une affaire pour adaptation de la description à des revendications dont le texte a déjà été finalisé peut parfois se révéler problématique, dans la mesure où, en vertu de l’article 69 CBE, il y a lieu de recourir à la description pour interpréter les revendications et où la décision isolée portant sur le texte des revendications détermine à l’avance les modifications qui doivent être apportées à la description, faute de quoi les revendications modifiées ne seraient pas admissibles au regard de l’article 84, deuxième phrase CBE. Toutefois, le fait qu’une telle division de la procédure puisse s’avérer inappropriée dans certains cas ne remet en cause, en l’espèce, ni le caractère définitif, ni l’autorité de la chose jugée de la décision du 27 janvier 2000.
Il n’est à ce jour plus contesté que les décisions des chambres de recours sont assimilées à des décisions rendues par des autorités judiciaires (cf. décision G 1/97, point 5c) des motifs, JO OEB 2000, 322), si bien que ces décisions sont également revêtues de l’autorité de la chose jugée.
2.9 Il se pose donc la question de savoir si la présente intervention, qui est fondée sur un nouveau motif d’opposition, est irrecevable au regard de l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du 27 janvier 2000 qui a statué sur le texte des revendications.
2.10 La notion de chose jugée revêtant une importance fondamentale, ses principes sont examinés en détail ci-après.
Une décision rendue par une juridiction compétente passe en force de chose jugée dès lors qu’elle n’est plus susceptible de recours (force de chose jugée). Cela vaut tant pour les décisions finales que pour les décisions intermédiaires. En outre, la juridiction est liée par sa décision, même avant l’expiration d’un délai de recours, si bien qu’elle ne peut ni l’annuler, ni la modifier d’office.
Ainsi, la Grande Chambre de recours a expressément déclaré que les décisions des chambres de recours acquièrent (formellement) force de chose jugée dès qu’elles sont rendues (cf. décision G 1/97 supra, point 2a) des motifs, premier paragraphe), dans la mesure où ces décisions ne sont pas susceptibles de recours.
Une fois qu’une décision acquiert formellement force de chose jugée, le contenu de la décision s’impose à la juridiction (compétente) et aux parties à la procédure (autorité de la chose jugée). Si les mêmes parties contestent dans une nouvelle procédure la même question que celle qui a déjà été formellement tranchée, la juridiction est liée par le contenu de la décision antérieure (s’agissant du principe de l’autorité de la chose jugée en tant que principe généralement admis dans tous les Etats parties à la CBE, cf. les énonciations détaillées de la décision T 167/93, JO OEB 1997, 229). Si la procédure est poursuivie devant la même instance suite à une décision intermédiaire, la juridiction doit se fonder sur le contenu de sa décision antérieure pour rendre la décision ultérieure. En outre, il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit correct pour exclure un nouveau litige, il suffit qu’il soit définitif et ait été rendu sur le fond.
2.11 La force et l’autorité de la chose jugée peuvent être contestées par des voies de recours extraordinaires. Toutefois, pour des raisons de sécurité juridique, ces voies de recours doivent être expressément réglementées par la loi (cf. décision G 1/97 (supra), point 2e) des motifs, septième paragraphe), par exemple par des dispositions régissant la restitutio in integrum (s’agissant du droit allemand, cf. Schulte, Patentgesetz, 6e édition, Vor § 34, point 242).
2.12 De surcroît, la portée de l’autorité d’une décision passée en force de chose jugée est déterminée par la nature de la procédure. Ainsi, une décision finale rendue dans une procédure en référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, en raison de la finalité même de cette procédure. De même, lorsque la délivrance d’un brevet est confirmée dans une décision passée en force de chose jugée d’une chambre de recours de l’OEB, elle n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée pour les juridictions nationales appelées à connaître d’une action en nullité selon l’article 138 CBE, même si les parties sont les mêmes. La décision d’une chambre de recours dans une procédure d’examen ne s’impose pas dans une procédure d’opposition (cf. décision T 167/93 supra, point 2.10 des motifs) non seulement parce que des parties différentes interviennent, mais également parce que, conformément à l’article 111(1) CBE, la chambre de recours statue uniquement dans le cadre de la compétence de la division d’examen et que ses décisions ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée dans une procédure d’opposition engagée en vertu de l’article 99 s. CBE. Le but de la procédure d’opposition est en effet de réexaminer des décisions rendues dans la procédure d’examen, dans la mesure où la CBE prévoit un tel réexamen à la requête des tiers. La limitation de l’autorité de la chose jugée d’une décision d’une chambre de recours dans la procédure d’examen découle donc de la CBE (article 102), en vertu des dispositions expresses qui régissent la procédure d’opposition.
2.13 L’intervenant estime que la décision du 27 janvier 2000 n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée, car suite à l’introduction d’un nouveau motif d’opposition sur la base de l’article 83 CBE, la chambre est tenue de statuer sur des faits différents. Dans la décision du 27 janvier 2000, le brevet litigieux a été examiné uniquement quant aux motifs de défaut de nouveauté et de défaut d’activité inventive. Selon l’intervenant, l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision ne fait pas obstacle à l’examen du motif de l’impossibilité d’exécuter l’invention.
2.14 La Chambre ne partage pas cet avis, étant donné que la décision du 27 janvier 2000 statuait sur le texte des revendications et que cette décision est passée en force de chose jugée. Peu importe à cet égard de savoir quelles sont les considérations juridiques sur lesquelles cette décision est fondée ou si elles sont correctes. On ne pourrait se ranger à l’avis de l’intervenant que si cette décision avait été expressément rendue en tant que décision intermédiaire sur les questions de la nouveauté et de l’activité inventive. Dans ce cas en effet, cette décision aurait tranché les questions de la nouveauté et de l’activité inventive et elle n’aurait acquis l’autorité de la chose jugée que pour ces questions. Or, en l’espèce, il a été statué sur le texte définitif des revendications et l’affaire a été renvoyée en première instance aux seules fins d’adapter la description aux revendications modifiées.
2.15 L’intervenant a également fait valoir qu’il n’était pas lié par la décision du 27 janvier 2000 sur le texte des revendications, dans la mesure où il n’avait pas été partie à cette procédure. Si la Chambre estime elle aussi que l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision ne joue pas directement à l’égard de l’intervenant, elle ne partage néanmoins pas la conclusion de ce dernier selon laquelle l’intervention remet également en question l’autorité de la chose jugée à l’égard des autres parties à la procédure.
2.16 La Chambre a donc examiné le conflit entre, d’une part, le fait qu’elle soit liée à l’égard des parties par la décision du 27 janvier 2000 et, d’autre part, le droit de l’intervenant à ce que le texte des revendications soit examiné sur la base d’un nouveau motif d’opposition.
2.17 Le fait juridique que la Chambre est liée à l’égard des parties en ce qui concerne les questions qui ont été tranchées dans la décision du 27 janvier ne pourrait cesser de produire ses effets que:
a) suite à l’introduction d’un moyen de recours, expressément prévu dans la CBE, qui serait ouvert à l’intervenant contre la décision du 27 janvier 2000 (perte ou suspension de la force de chose jugée en vertu de dispositions spéciales) ou
b) en raison de la nature de la procédure introduite par l’intervention (perte ou limitation de l’autorité de la chose jugée).
2.18 Dans le cas a), l’intervention représenterait un moyen de recours particulier qui permettrait de contester dans la même procédure, par l’intervention d’un tiers, des décisions entrées en force de chose jugée à l’égard des parties. Cela signifierait que la décision n’acquerrait pas force de chose jugée tant qu’une intervention est possible ou qu’elle la perdrait rétroactivement. Le principe de la force de chose jugée d’une décision étant fondamental pour garantir la sécurité juridique, la Convention devrait prévoir expressément un tel moyen de recours et énoncer expressément les exigences auxquelles il devrait satisfaire (cf. décision G 1/97 supra, point 3a) des motifs). Tel qu’il est libellé, l’article 105 CBE n’autorise pas la modification des décisions finales ou intermédiaires des chambres de recours.
Sur le plan formel tout d’abord, l’article 105 CBE n’offre aucune possibilité d’annuler formellement la décision du 27 janvier 2000, qui n’est pas (et ne pourrait pas être) contestée dans la procédure de recours en instance, même si la Chambre estimait par exemple que le texte des revendications arrêté dans cette décision ne pourrait pas être maintenu à la lumière d’un nouveau motif d’opposition. Or, si la Chambre admettait expressément un libellé différent, sans pouvoir annuler la décision du 27 janvier 2000, il existerait deux décisions contradictoires dans une même affaire, ce qui engendrerait une situation procédurale confuse, incompatible avec la bonne conduite de la procédure.
Sur le fond également, l’article 105 CBE n’institue pas un nouveau moyen de recours contre une décision rendue dans une procédure de recours sur opposition. La procédure d’opposition a pour objet de fournir aux tiers (le public) un moyen de contester la délivrance d’un brevet suite à la procédure d’examen, et non pas la décision rendue par la division d’opposition. Ainsi, l’article 105(1), première phrase CBE porte sur l’intervention du contrefacteur présumé dans une procédure d’opposition en instance, et non pas sur le réexamen d’une décision rendue au cours d’une telle procédure. Enfin, l’article 105(2), troisième phrase CBE, qui dispose qu'”après l’accomplissement de cette formalité, l’intervention est assimilée à une opposition”, se réfère à une procédure d’opposition en instance contre la délivrance d’un brevet suite à la procédure d’examen.
Aussi la Chambre conclut-elle que le texte de l’article 105 CBE ne répond pas aux critères, tels qu’énoncés dans la décision G 1/97 (supra), applicables à un moyen de recours ayant un effet suspensif sur l’entrée en force de chose jugée d’une décision de la chambre de recours ou annulant la force de chose jugée d’une telle décision.
2.19 Dans le cas b) (perte de l’autorité de la chose jugée), l’intervention devrait introduire une étape entièrement nouvelle de la procédure ou une nouvelle procédure d’opposition indépendante pour que l’on puisse conclure que les décisions rendues jusque-là dans la procédure d’opposition ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée en raison de la nature juridique de cette nouvelle procédure par rapport à l’étape antérieure de la procédure.
Rien dans la CBE ne permet de penser que l’intervention du contrefacteur présumé ouvre une nouvelle étape dans la procédure qui rendrait sans objet les résultats contraignants obtenus jusque-là dans la procédure. En vertu de l’article 99(4) CBE, l’opposition est une procédure unitaire à laquelle tous les opposants doivent être parties. L’idée que différentes oppositions soient regroupées uniquement pour des motifs d’économie de la procédure et que chacune d’entre elle puisse en principe être réglée de manière autonome n’est conciliable ni avec les dispositions de procédure régissant l’opposition en tant que procédure centralisée devant l’OEB, ni avec les dispositions de la CBE sur le maintien ou la révocation du brevet dans l’intérêt du public.
Tel qu’il est libellé, l’article 105(1) CBE porte sur l’intervention dans une procédure d’opposition en instance. Il est donc exclu que l’intervention ouvre une procédure entièrement nouvelle ou une étape indépendante de la procédure, avec la participation ou non des opposants. Cela vaut notamment pour la suggestion faite par l’intervenant de suspendre la procédure de recours en renvoyant l’affaire à la première instance avec ordre de rendre une décision sur le nouveau motif d’opposition. Cela signifierait en effet qu’il faudrait conduire une nouvelle procédure d’opposition, distincte de la procédure menée jusque-là, sur le nouveau motif d’opposition soulevé sur la base de l’article 83 CBE, ce qui serait contraire aux dispositions de la CBE.
2.20 L’article 105(1) CBE ne prévoit pas que l’intervention suspend des décisions ou des effets juridiques antérieurs ou ouvre une nouvelle procédure. Un intervenant intervient dans une procédure qui a été engagée par des tiers et doit par conséquent accepter la procédure en l’état au moment de l’intervention (cf. Günzel in Singer/Stauder, deuxième édition, article 105, point 20). Cette interprétation de l’article 105 CBE est également conforme à la constatation faite dans la décision G 4/91 (JO OEB 1993, 707), selon laquelle une intervention est dépourvue d’effet juridique lorsque la déclaration d’intervention est présentée après que la division d’opposition a rendu sa décision et qu’aucun recours recevable n’a été formé par les autres parties.
Le fait que l’intervention dépende de la mesure dans laquelle une procédure de recours sur opposition est en instance ne constitue pas non plus une violation du droit d’être entendu, car une personne qui intervient ultérieurement dans une procédure engagée par des tiers est en mesure de s’informer, avant d’intervenir, sur les conséquences juridiques susceptibles de l’affecter.
En résumé, une intervention dépend de la mesure dans laquelle la procédure de recours sur opposition est encore en instance. Etant donné que la seule question qui, en l’espèce, reste en instance dans la procédure d’opposition est celle de l’adaptation de la description au stade du recours, l’intervenant ne peut plus intervenir dans la partie de la procédure d’opposition qui porte sur la validité du texte des revendications et qui est close.
2.21 Pour finir, il échet d’examiner si les conclusions qui précèdent sont contraires à la décision G 1/94 (supra).
Ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, cette décision a été rendue dans une affaire où l’ensemble de la procédure d’opposition faisait l’objet du recours et où aucune décision passée en force de chose jugée n’avait été rendue sur une question de droit et encore moins sur le texte des revendications en ce qui concerne le maintien du brevet. On ne saurait supposer que la Grande Chambre de recours ait expressément voulu rendre une décision qui couvre également la présente situation juridique, car cela se serait assurément reflété dans les motifs de la décision, compte tenu de la complexité de l’affaire. Rien dans les motifs de la décision n’indique par ailleurs que l’admission de nouveaux motifs d’opposition devrait primer un principe de procédure aussi fondamental que la force et l’autorité de la chose jugée d’une décision, sans que cela soit expressément prévu dans la CBE. Faute d’une telle disposition dans la CBE, il n’existe aucune marge d’interprétation permettant de tenir compte de l’intérêt de l’intervenant qui est de pouvoir le plus tôt possible attaquer le brevet avec tous les moyens disponibles. La décision G 1/94 (supra) se réfère expressément à la décision G 4/91 (supra) et donc au principe selon lequel l’intervenant ne peut intervenir dans une procédure d’opposition devant la chambre de recours que dans la mesure dans laquelle la procédure est encore en instance devant la chambre.
Il convient de souligner à ce propos que la mesure dans laquelle une procédure est en instance ne doit pas être confondue avec l’étendue de l’examen au cours de la procédure d’opposition. L’étendue de l’examen est en effet déterminée par les motifs d’opposition qui ont été valablement invoqués, mais ne constitue pas en soi l’objet de la procédure, car il s’agit d’un critère d’examen. En d’autres termes, un objet qui n’est pas en instance ne peut pas être examiné indépendamment des motifs d’opposition qui ont été valablement introduits dans la procédure. C’est pourquoi également la constatation faite dans la décision G 1/94 (supra), selon laquelle l’intervenant peut soulever de nouveaux motifs d’opposition au stade du recours, ne saurait être (mal) interprétée en ce sens que la présente intervention prive la décision du 27 janvier 2000 de l’autorité de la chose jugée. Contester le texte des revendications revient pour l’intervenant à former un recours contre la décision du 27 janvier 2000, lequel doit être considéré comme irrecevable. Il y a donc lieu d’examiner si l’intervention doit, par voie de conséquence, être considérée comme irrecevable dans son ensemble.
2.22 La Chambre, se fondant sur les décisions G 4/91 (supra) et G 1/94 (supra), ne voit aucune raison de déclarer une intervention irrecevable du seul fait qu’une partie seulement de la procédure d’opposition est encore en instance devant la Chambre. Il résulte toutefois de l’autorité de la chose jugée dont est revêtue la décision relative au libellé des revendications, telle qu’elle est expliquée ci-dessus et qui doit être respectée au stade actuel de la procédure, que le nouveau motif d’opposition soulevé par l’intervenant (sur la base de l’article 100b) CBE) est inopérant. Il ne peut en effet être utilisé pour déterminer l’étendue de l’adaptation de la description qui est jugée nécessaire dans la décision du 27 janvier 2000. En vertu de l’article 105(2) CBE, la déclaration d’intervention doit être présentée par écrit et motivée, à la suite de quoi l’intervention est assimilée à une opposition. L’exposé des motifs est donc une condition de recevabilité de l’intervention. Dans les circonstances particulières de la présente espèce, la question qui se pose au regard de l’article 105(2) CBE est de savoir si l’exposé écrit des motifs doit toujours se référer à un motif d’opposition prévu à l’article 100a), b) ou c) CBE ou s’il suffit de présenter d’autres arguments sur les raisons pour lesquelles la décision attaquée est considérée comme incorrecte.
2.23 En l’espèce, l’intervenant a soulevé un motif d’opposition au titre des dispositions combinées des articles 100b) et 83 CBE et présenté des arguments à l’encontre de l’étendue de l’adaptation de la description admise dans la décision contestée. La Chambre ne voit aucune raison de considérer l’intervention comme irrecevable du fait qu’elle ne peut en partie pas atteindre son objectif. L’intervenant ayant exposé ses motifs pour les deux cas, il n’y a pas lieu, au stade actuel de la procédure, d’établir comment une intervention doit être motivée au regard de l’article 105(2), première phrase CBE. Par conséquent, l’intervention remplit en tout état de cause la condition de forme prévue à l’article 105(2) CBE, selon laquelle la déclaration d’intervention doit être motivée.
2.24 En conséquence, la Chambre conclut que l’intervention est recevable. Toutefois, étant donné que la procédure de recours sur opposition n’est que partiellement en instance, la participation de l’intervenant doit se limiter à la question en instance, à savoir à l’adaptation de la description aux revendications modifiées sur la base desquelles le brevet a été maintenu dans la décision du 27 janvier 2000. Ces revendications ne peuvent pas être réexaminées à la lumière du nouveau motif d’opposition soulevé au titre de l’article 100b) CBE, car l’intervenant est lié par l’autorité de la chose jugée dont est revêtue la décision de la chambre de recours du 27 janvier 2000.
Modifications apportées à la description
3.1 Lorsque la portée d’un brevet a été limitée par suite de la modification des revendications, l’adaptation de la description doit répondre aux impératifs de la sécurité juridique (cf. décision T 113/92 du 17 décembre 1992, point 2 des motifs), à savoir qu’il y a lieu de tenir compte de la restriction en supprimant tous les passages qui ne concernent plus l’objet désormais limité du brevet et qui ne sont pas nécessaires ou utiles pour comprendre l’invention. Cependant, les modifications devraient être limitées au minimum nécessaire pour éviter toute contradiction entre la description et les revendications modifiées, et à la suppression des passages non pertinents ou susceptibles d’induire en erreur.
3.2 Ainsi qu’il a été expliqué dans la décision du 27 janvier 2000 (cf. point 2 des motifs de la décision), la revendication 1 telle qu’admise résulte de l’introduction dans la revendication 1 du brevet tel que délivré des caractéristiques de la revendication 2 du brevet tel que délivré et de l’adjonction des précisions suivantes : i) le réactif de liaison marqué spécifique à la substance à analyser est “à l’état sec dans une zone (12) en amont de la zone de détection”, ii) “le support de réaction poreux et le réactif de liaison marqué spécifique sont contenus dans un boîtier creux” et iii) le boîtier (le dispositif dans la revendication du brevet tel que délivré) contient des moyens d’observation. Tant la revendication 1 que la revendication 2 du brevet tel que délivré portent sur “un support de réaction poreux et sec” et “le support de réaction poreux”. Le regroupement des revendications 1 et 2 et l’introduction des caractéristiques supplémentaires i), ii) et iii) n’ont pas modifié le sens de ces expressions. La revendication 1 telle qu’admise dans la décision du 27 janvier 2000 ne précise pas si le support de réaction poreux est constitué d’une ou plusieurs pièces. A l’instar des revendications du brevet tel que délivré, cette revendication porte sur “un” ou “le” support de réaction poreux qui :
– se trouve dans un boîtier creux,
– communique directement ou indirectement avec l’extérieur du boîtier de telle sorte qu’on puisse appliquer un échantillon de test liquide sur ledit support,
– contient le réactif marqué dans une première zone et le réactif non marqué dans une zone de détection qui est spatialement distincte de la première zone, les deux zones étant disposées de telle sorte que l’échantillon de liquide appliqué sur le support de réaction poreux puisse pénétrer dans la zone de détection via la première zone.
Aucune de ces caractéristiques n’indique que le support de réaction poreux doit obligatoirement être constitué d’une seule pièce. Il ressort même de la description que le support contenu dans le boîtier creux peut également se composer de différentes parties (par exemple une partie poreuse s’étendant hors du boîtier qui est liée à une feuille ou une bande poreuse, cf. les figures 8 à 10 ainsi que les modes de réalisation 3 et 4), dès lors que la disposition permet au liquide de passer d’une partie à l’autre du support de réaction poreux. Le texte de la revendication 1 couvre de tels modes de réalisation. Il n’y a donc aucune raison de supprimer les passages de la description s’y rapportant.
3.3 Une interprétation restrictive de la portée de la revendication ne saurait davantage être déduite des motifs de la décision (cf. point 15 des motifs), selon lesquels la revendication est considérée comme impliquant une activité inventive essentiellement pour les raisons suivantes :
– il n’était pas évident pour l’homme du métier de combiner l’un des systèmes de test selon les documents (1), (2) ou (3) avec un marqueur direct particulaire tel qu’utilisé dans le système d’essai selon le document (6), étant donné que tous ces systèmes reposaient sur l’utilisation de réactifs marqués solubles censés se déplacer librement à l’intérieur des supports solides, y compris dans des supports solides particulaires ; et
– l’homme du métier n’aurait pas non plus envisagé de modifier le système d’essai illustré en exemple dans le document (6) selon le modèle des systèmes de test figurant dans les documents (1), (2) et (3), en créant par exemple sur la matrice insoluble une première zone contenant le réactif de liaison marqué et à partir de laquelle le complexe en résultant aurait migré dans une zone spatialement distincte de la même matrice où il serait détecté au moyen d’un réactif de liaison immobilisé.
Pour toutes ces raisons, l’appareil de test autonome selon la revendication 1 a été considéré comme inventif, bien que les pièces constitutives de l’appareil, prises individuellement ou en combinaison, soient connues de l’état de la technique. Peu importe à cet égard que le support de réaction poreux contenu dans le boîtier creux soit constitué d’une ou plusieurs pièces liées entre elles. Les expressions “membrane de support” et “la même matrice” utilisées dans la décision ne justifient donc pas une interprétation restrictive.
3.4 La règle 27b) CBE dispose que la description doit indiquer l’état de la technique antérieure qui peut être considéré comme utile pour l’intelligence de l’invention (cf. également décision T 450/97, JO OEB 1999, 67). Le document (6), qui était considéré comme l’état de la technique le plus proche, est désormais pris en compte dans la description modifiée, et la partie essentielle de la divulgation qu’il contient est correctement résumée conformément à la décision du 27 janvier 2000 (cf. point 5). La CBE n’exige rien de plus.
3.5 Il s’ensuit que les modifications de la description qui ont été admises par la division d’opposition représentent, conformément aux principes énoncés au point 3.1 supra, une adaptation adéquate de la description aux revendications modifiées.
Requêtes
4.1 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter comme non fondées les requêtes principales des requérants et de l’intervenant en révocation du brevet.
4.2 Il y a également lieu de rejeter les requêtes subsidiaires tendant à saisir la Grande Chambre de recours des questions de droit formulées dans la notification de la Chambre en date du 12 mars 2002 (cf. point V supra). La décision de la Chambre est conforme aux décisions antérieures de la Grande Chambre de recours, et en particulier aux décisions G 1/94 (supra) et G 4/91 (supra). Etant donné que les requérants n’ont pas retiré leurs recours, la question de savoir si l’intervenant a acquis la qualité de partie indépendamment des requérants en acquittant la taxe de recours est sans intérêt. Au demeurant, pour la Chambre, les réponses aux questions de droit soulevées découlent directement et sans ambiguïté de la CBE.
4.3 Enfin, il résulte des explications sur la recevabilité limitée de l’intervention (point 2 supra) qu’il y a également lieu de rejeter la requête subsidiaire de l’intervenant tendant à l’annulation de la décision contestée et au renvoi de l’affaire sur la base du nouveau motif d’opposition (article 83 CBE).
Remboursement des taxes
5. Lors de la procédure orale, l’intervenant a expressément renoncé à présenter une requête en remboursement de la taxe de recours.
Toutefois, le remboursement d’une taxe peut être ordonné même en l’absence d’une telle requête, lorsqu’une telle taxe n’était due à aucun moment et qu’elle est dépourvue de fondement juridique. L’obligation pour l’intervenant d’acquitter une taxe d’opposition en vertu de l’article 105 CBE est incontestée dans la jurisprudence des chambres de recours. En ce qui concerne en revanche la question de savoir si une partie qui intervient dans la procédure au stade du recours doit acquitter une taxe de recours, la jurisprudence est partagée (cf. la Jurisprudence des Chambres de recours, 4e édition, 2001, section VII, D, point 5.4.2). Il s’agit en effet de savoir si l’intervenant doit acquitter une taxe de recours du même montant que celle acquittée par les autres opposants pour former un recours contre la décision intermédiaire de la division d’opposition en date du 24 avril 2001.
En l’espèce, la requête de l’intervenant non seulement tendait à participer à la procédure en qualité d’opposant ou à former un recours contre la décision intermédiaire de la division d’opposition du 24 avril 2001, mais comprenait également en substance un recours irrecevable contre la décision du 27 janvier 2000, si bien que le prélèvement d’une taxe de recours conformément à l’article 108, deuxième phrase CBE est justifié, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si l’intervenant a la qualité de partie indépendante.
La Chambre estime donc qu’il n’est pas justifié en l’espèce de rembourser la taxe de recours d’office.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Les requêtes en saisine de la Grande Chambre de recours sont rejetées.
2. Les recours et l’intervention sont rejetés.